Chasser la pieuvre en terrain hostile
Sur fond de mondialisation des mafias, Arne Dahl pose une intrigue enlevante
C’est avec un roman lancinant (Misterioso) paru en français au Seuil il y a une dizaine d’années qu’Arne Dahl — pseudonyme d’un journaliste suédois — a fait une entrée fracassante. Écrivain remarquable doté d’une grande culture musicale, il a poursuivi en créant ensuite une brigade d’intervention multidisciplinaire basée à Stockholm: le groupe A.
On l’a vu alors cibler la criminalité maladive sévissant autour des grands et petits dealers tout comme des tueurs en série démoniaques dans deux autres livres marquants (Qui sème le sang et Jusqu’au sommet de la montagne, tous deux au Seuil) par leur construction et leur style enlevant. Maintenant qu’a sonné l’heure de la mondialisation, Arne Dahl change d’éditeur et invente une toute nouvelle unité opérationnelle d’Europol: Opcop. Et cette première enquête, maintenant disponible dans la collection «Poche» d’Actes Sud, sera suivie de trois autres…
Une pieuvre gigantesque
Basée à La Haye aux PaysBas, cette espèce de FBI européen est encore secrète, son fonctionnement même posant d’énormes maux de tête politiques et juridictionnels. À la tête de l’Opcop (pour «unité de police opérationnelle»), le Suédois Paul Hjelm, du défunt groupe A; autour de lui, une petite dizaine d’enquêteurs venus de huit pays européens spécialisés dans des secteurs aussi pointus que différents. Tout le monde marche sur des oeufs, silencieusement, en attendant la première enquête qui va servir de test… Et puis voilà qu’on découvre à Londres un cadavre «contenant», littéralement, un message adressé directement à l’unité censément fantôme.
Rapidement, les enquêteurs qui n’en sont pas encore vont faire des liens entre ce premier «incident» et un autre survenu lors de la même rencontre du G20 à Londres. Bientôt, un vaste complot mondial commencera à prendre forme et tous les spécialistes de l’Opcop seront sollicités pour traquer — aussi discrètement qu’efficacement — la pieuvre apparaissant peu à peu sur leurs écrans.
Il faudra beaucoup d’intuition et de travail pour en arriver à construire le portrait d’ensemble… qui est gigantesque! Sans vendre la mèche et vous priver de votre plaisir de lecteur, l’enquête multiforme fera surgir des relations étroites entre un fabricant de meubles suédois, un réseau de trafiquants d’héroïne, un trafic de déchets toxiques et encore bien d’autres petits trucs sympathiques du genre révélant la mainmise de la ’Ndrangheta calabraise sur tout cela. Époustouflant!
Comme à l’habitude, l’enquête est merveilleusement construite, les personnages hautement crédibles et l’écriture d’Arne Dahl absolument enlevante. Soyez prévenus: vous aurez beaucoup de difficulté à quitter ce gros livre. Attendez-vous même à quelques nuits blanches… Collaborateur Le Devoir MESSAGE PERSONNEL ★★★★
Arne Dahl Traduit du suédois par Rémi Cassaigne Babel Noir Paris 2016, 564 pages