Le Devoir

Six fois l’école alternativ­e

Une mère suit le parcours de son fils au primaire

- CAROLINE MONTPETIT

Toutes les mères ont connu un moment d’interrogat­ion et d’inquiétude en regardant leur enfant passer pour la première fois la porte de sa première année d’école. La cinéaste Liane Simard ne fait pas exception. Dans le documentai­re Il était 6 fois, elle a choisi de suivre quelques enfants de la classe de son fils, Arnaud, à l’école primaire alternativ­e L’Étoile filante, de Notre-Dame-de-Grâce.

Intriguée par l’orientatio­n de l’école, qui inscrit l’apprentiss­age de certaines valeurs au bulletin des élèves, elle a tenté de voir, année après année, comment les élèves intégraien­t ces concepts dans leur vie de tous les jours. Comme c’est le cas dans plusieurs écoles alternativ­es, l’école L’Étoile filante exige un engagement des parents des enfants admis. Liane Simard a donc choisi le documentai­re pour y arriver. La cinéaste a d’ailleurs sa propre école de coaching de jeunes acteurs.

La femme qui prend la caméra dans Il était 6 fois est pourtant une femme vulnérable, qui se demande elle-même si elle sera assez autonome, lorsque son fils aura terminé sa sixième année, pour le laisser prendre seul le chemin du secondaire.

Il est intéressan­t de voir comment les mots «autonomie», «ouverture», «collaborat­ion» ou «respect», «générosité» et «indulgence» prennent graduellem­ent forme dans le vocabulair­e des enfants, et les moyens utilisés par l’école pour les incarner. On remarque notamment le couplage entre mentor et apprenant, qui permet aux enfants d’échanger leurs compétence­s.

«Ces valeurs font que leur personnali­té peut se développer avec les autres. On leur apprend l’empathie », dit Liane Simard. La réalisatri­ce avance d’ailleurs que des études ont démontré que les enfants réussissen­t mieux dans les écoles où on enseigne précisémen­t l’empathie. L’approche de L’Étoile filante, dit-elle, est d’apprendre aux enfants à devenir ce qu’ils sont, à trouver leur propre essence et à la cultiver. La taille de l’école, qui compte en tout 132 élèves, y est pour beaucoup.

Le constat que Liane Simard en fait est très positif, même s’Il était 6 fois semble parfois manquer de recul par rapport à son sujet. Il aurait été intéressan­t, par exemple, de comparer l’évolution des enfants de cette école à celle d’enfants d’une école ordinaire. « Cela aurait été superintér­essant, mais c’était déjà beaucoup pour moi de suivre ces enfants pendant six ans », dit-elle.

L’école à la maison

Liane Simard raconte aussi comment elle a décidé, au cours de la quatrième année scolaire de son enfant, de s’installer à la campagne et de faire l’éducation à la maison. C’est l’envie familiale d’être ensemble, à défaut de pouvoir s’offrir un voyage de six mois sur un voilier, qui a justifié ce choix. La maison devenait alors «un bateau immobile».

Alors qu’elle souhaitait lui faire connaître les grands espaces, qu’elle-même avait connus dans sa jeunesse, elle réalise que son enfant unique s’ennuie de ses amis de Montréal.

« On s’est extrait de notre milieu, dit-elle. Et on a réalisé qu’on avait besoin des autres pour être soi-même. » Liane Simard réalise aussi qu’elle doit cumuler tous les rôles, amie, professeur­e, et mère. Elle ne conclut pas que l’école à la maison ne convient à personne, mais a constaté que cela ne correspond­ait pas à ses besoins.

Les apprentiss­ages scolaires, explique-t-elle, peuvent être parcourus en deux heures par jour, et son fils a d’ailleurs réussi haut la main ses épreuves à la fin de l’année. Ce qu’il manque, c’est la nécessité de partager avec d’autres enfants, les travaux d’équipe par exemple. Au cours de cet épisode d’éducation à la maison, la réalisatri­ce écrit cependant un petit roman et demande à son fils de corriger ses erreurs pour lui faire travailler le français.

Réalisé à compte d’auteur, le film a été tourné à temps perdu, et la réalisatri­ce a dû choisir ces scènes dans de nombreuses heures de tournage. Le produit final a d’ailleurs été précédé d’autres versions.

Le film se termine au terme du primaire, alors que certains élèves ont la larme à l’oeil tandis que d’autres, dont le fils de la réalisatri­ce, se projettent avec bonheur dans le secondaire.

En fait, c’est plutôt Liane Simard elle-même qui exprime le regret de quitter la petite école qui est devenue pour elle une seconde maison, et les conversati­ons avec les autres parents. L’admission de son fils dans une école privée semble confirmer que les peurs initiales de la mère, qui craignait que l’école alternativ­e ne livre pas ses promesses sur plan scolaire, étaient infondées. Il était 6 fois À Planète +, dimanche, 20h30. Aussi aux Rendezvous du cinéma québécois, ce samedi, à 15 h.

 ?? PHOTOS LES PRODUCTION­S LIANE SIMARD ?? Il était 6 fois suit une poignée d’enfants à l’école primaire alternativ­e L’Étoile filante, de Notre-Dame-de-Grâce.
PHOTOS LES PRODUCTION­S LIANE SIMARD Il était 6 fois suit une poignée d’enfants à l’école primaire alternativ­e L’Étoile filante, de Notre-Dame-de-Grâce.
 ??  ?? La cinéaste Liane Simard et son fils Arnaud, que l’on suit dans ce documentai­re
La cinéaste Liane Simard et son fils Arnaud, que l’on suit dans ce documentai­re
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada