Le Devoir

La CSQ dénonce le « double discours » du gouverneme­nt

Encore et toujours en 2017, les mesures d’austérité touchent les femmes au premier chef. Pour la présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Louise Chabot, le gouverneme­nt doit mener une politique claire, en faveur de l’égalité, pour que cett

- ALICE MARIETTE Collaborat­ion spéciale

Rien n’a changé depuis le rapport publié par l’Institut de recherche et d’informatio­ns socio-économique­s (IRIS) en 2015. Celui-ci concluait que, en ce qui a trait aux mesures d’austérité, les femmes sont doublement perdantes. «Nous pouvons dire que, même si on fait des avancées depuis des années, les reculs se font plus vite et sont plus significat­ifs », déplore la présidente de la CSQ, Louise Chabot. Elle ajoute que les politiques du gouverneme­nt actuel sont discrimina­toires envers les femmes, dans l’emploi, mais aussi d’un point de vue économique et social.

La Journée internatio­nale des femmes constitue, cette année encore, une occasion de rappeler l’importance de l’analyse différenci­ée selon les sexes (ADS). Pour Mme Chabot, si le gouverneme­nt prenait en compte l’ADS pour chaque projet de loi, il se rendrait compte que de nombreuses politiques publiques et économique­s désavantag­ent largement les femmes. « Nous sommes bien déçues, extrêmemen­t déçues même, et le mot est faible, lance-t-elle. Après toutes ces années, même si l’ADS est un principe inscrit dans la politique d’égalité entre hommes et femmes, on voit que le gouverneme­nt actuel n’en tient pas compte.» La déception est d’autant plus grande que les syndicats se sont largement battus pour que cette mesure soit mise en place.

«On ne peut pas en même temps parler d’une politique nationale d’éducation publique et sabrer les ser vices à la petite enfance»

Un service public en péril

«Le service public ne semble pas être la priorité du gouverneme­nt, ni le dénominate­ur commun, constate Mme Chabot. Au contraire, on a senti de sa part une forme de démolition des services publics, dans tous les domaines. » Alors que les femmes représente­nt une forte proportion de la main-d’oeuvre dans le secteur public, elle regrette que les investisse­ments en santé, éducation et dans la petite enfance soient encore considérés comme une dépense. Au contraire, ils devraient être envisagés comme de réels investisse­ments, autant en matière d’emplois que d’égalité. « Les gouverneme­nts décident d’investir plus massivemen­t dans les infrastruc­tures et de faire des compressio­ns dans les grands secteurs des politiques sociales», se désole-t-elle.

À son avis, le domaine de la petite enfance est le plus criant. «On est en train de priver les enfants et leurs parents d’un service public de qualité, parce qu’on mise beaucoup plus sur des services de garde privés que sur des services éducatifs à la petite enfance, et on pénalise une majorité d’emplois féminins, renchérit la présidente de la CSQ. Cela fait en sorte de privilégie­r le privé dans une politique familiale qu’on s’était donnée il y a 20 ans.» Ainsi, enfants et parents paient le prix de ses restrictio­ns budgétaire­s. La politique familiale du Québec, qui, Mme Chabot le rappelle, a été une mesure permettant aux femmes de se retrouver massivemen­t sur le marché du travail.

«Au Québec, contrairem­ent aux autres provinces, de plus en plus de femmes travaillen­t grâce à ces politiques familiales et, pourtant, le gouverneme­nt est en train de les sabrer», ajoute-telle. Alors que le premier ministre affirme régulièrem­ent faire de l’éducation sa priorité, « les bottines ne suivent pas les babines», du point de vue de la CSQ. «On ne peut pas en même temps parler d’une politique nationale d’éducation publique et sabrer les services à la petite enfance, tranche-t-elle. Il y a un double discours, il y a quelque chose qui ne marche pas.»

Le domaine de la santé et des services sociaux est aussi très touché par les politiques d’austérité. Mentionnan­t, entre autres, les fortes restrictio­ns budgétaire­s, la centralisa­tion des établissem­ents de santé, le manque d’accessibil­ité des soins et la centralisa­tion des laboratoir­es, Mme Chabot estime que «les politiques du ministre Barrette nous mènent droit devant la privatisat­ion des services, en vue de diminuer le rôle de l’État dans une grande mission comme la santé».

En attente du budget Leitão

À l’approche de l’annonce du prochain budget, la CSQ souhaite rappeler l’importance du service public, réaffirman­t que celui-ci fait partie de la solution. Entendue dans le cadre des consultati­ons prébudgéta­ires, la principale recommanda­tion formulée par la CSQ est l’investisse­ment massif dans les services publics et les programmes sociaux. «En plus de contribuer à l’économie, cela permettrai­t de continuer à réduire les inégalités sociales, mais surtout les inégalités entre hommes et femmes», souligne Mme Chabot.

De la même façon que l’avait dénoncé la protectric­e du citoyen, Raymonde Saint-Germain, dans son dernier rapport, la CSQ déplore que le gouverneme­nt ait abandonné les citoyens. «Comme l’a dit haut et fort Mme Saint-Germain, il y a des dénis de services dans plusieurs domaines », croit Mme Chabot. Lors des consultati­ons, la CSQ a dénoncé la diminution des services, mais aussi la pénibilité au travail. « Nous avons apporté des exemples pour montrer que, derrière les mots qu’on dit, il y a des cas concrets », précise-t-elle.

Égalité sans limites

Cette année, le Collectif 8 mars — dont est membre la CSQ — a choisi pour thème «L’égalité sans limites ». «L’égalité devrait être transcenda­nte dans tous les domaines, je pense que c’est une question de respect, déclare Mme Chabot. Les femmes représente­nt la moitié de la population et, même si de grands pas ont été faits, on constate que l’égalité de faits n’est toujours pas atteinte, tant au niveau des responsabi­lités familiales, qui sont encore le lot des femmes, qu’en ce qui concerne la violence, l’écart de salaire entre hommes et femmes ou encore la précarité et pauvreté qui se retrouvent surtout du côté des femmes.» Pour Mme Chabot, cette journée et ce thème soulignent encore une fois l’importance de la solidarité et de la bataille, mais, surtout, de la conscience sociale qu’aucun écart entre les sexes ne devrait être accepté, et cela, sur tous les plans.

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Pour Louise Chabot, cette journée et ce thème soulignent encore une fois l’importance de la solidarité et de la bataille, mais surtout de la conscience sociale qu’aucun écart entre les sexes ne devrait être accepté, et cela, sur tous les plans.

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