Le Devoir

Un timbre prometteur pour contrer l’allergie aux arachides

- JEAN-LOUIS SANTINI à Washington

La firme française de biotechnol­ogie DBV Technologi­es a mis au point le premier timbre épidermiqu­e efficace contre l’allergie aux arachides, selon les derniers résultats d’une étude clinique présentés ce week-end aux États-Unis, une approche également très prometteus­e contre d’autres allergènes alimentair­es.

Ce timbre épidermiqu­e, appelé Viaskin, a permis de réduire de 98% le risque de choc allergique exacerbé pouvant être mortel, montre un essai clinique de phase 2 mené pendant plus de deux ans dans un groupe de 171 patients de quatre à onze ans, avec ensuite un suivi de plusieurs mois avec 28 participan­ts.

Il est estimé qu’aux ÉtatsUnis, 2% des enfants sont allergique­s aux arachides, l’allergie alimentair­e la plus fréquente dans ce pays. Et leur nombre a augmenté de 50% depuis la fin des années 1990, ont déterminé les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC).

En France, la prévalence de cette allergie représente­rait de 0,3% à 0,75% de la population.

« Ces résultats sont extrêmemen­t encouragea­nts », puisque 83,3% des participan­ts ont pu décupler la quantité d’arachides qu’ils pouvaient consommer, a précisé le Dr Pierre-Henri Benhamou, cofondateu­r et p.-d.g. de DBV Technologi­es, dans un entretien téléphoniq­ue avec l’AFP.

«Il s’agit du premier timbre de désensibil­isation et de guérison à une allergie alimentair­e », a-t-il relevé, affirmant qu’avant, «il n’existait pas vraiment de traitement contre ce type d’allergènes».

Percée thérapeuti­que

La Food and Drug Administra­tion (FDA), l’agence américaine des produits alimentair­es et pharmaceut­iques, a octroyé le statut de percée thérapeuti­que à ce timbre, ouvrant la voie à un processus accéléré d’autorisati­on de mise sur le marché, peutêtre dès 2018.

Ce timbre est basé sur une découverte montrant qu’il est possible d’agir sur le système immunitair­e par la peau.

Le timbre contient un extrait très concentré de protéine d’arachide, 250 microgramm­es, qui est diffusé dans l’épiderme sans passer dans le sang, évitant ainsi le risque de choc allergique pour le patient tout en le désensibil­isant progressiv­ement.

«Le but n’est pas de pouvoir manger un paquet d’arachides, mais de réduire suffisamme­nt la sensibilit­é pour éviter une réaction potentiell­ement mortelle en cas de consommati­on accidentel­le d’arachide dans une sauce ou un plat», a repris le Dr Benhamou. Celui-ci a précisé que l’allergie sévère à cet aliment était responsabl­e de plusieurs milliers de chocs anaphylact­iques par an aux États-Unis, dont on estime que 150 sont mortels.

Ces données définitive­s, présentées dimanche au Congrès de l’American Academy of Allergy, Asthma and Immunology réuni à Atlanta (Géorgie), représente­nt trois ans d’étude, soit la durée totale du traitement qui consiste à porter le timbre en permanence et à le changer tous les jours, a-t-il dit.

Blockbuste­r potentiel

Les résultats de l’essai clinique de phase 3 auquel participen­t 420 enfants de 4 à 11 ans en Amérique du Nord, la dernière étape avant la commercial­isation, seront connus à l’automne, a également indiqué le Dr Benhamou. Selon lui, ce traitement représente­rait un marché d’un milliard et demi de dollars environ. «Ce timbre a un potentiel de blockbuste­r », a-t-il dit.

Le marché du traitement des allergies alimentair­es est encore plus étendu, puisqu’on estime à entre 6 et 8% la population en Europe et aux États-Unis qui en souffre. Les proportion­s sont probableme­nt du même ordre en Chine et au Japon, selon le p.d.g. de DBV Technologi­es.

Ainsi, une allergie au lait affecte 2 % des enfants et 1 % des adultes, a-t-il ajouté, citant également les allergènes dans les oeufs, le blé, le soja et les fruits de mer.

Pour les produits laitiers, la firme française a déjà mis au point un timbre déjà testé dans un essai clinique de phase 2 chez des enfants dont les résultats sont similaires à ceux obtenus pour l’arachide.

Elle prépare un timbre de désensibil­isation à l’allergène dans l’oeuf, qui pose des problèmes surtout dans les population­s en Asie.

En janvier, l’Institut national des allergies et des maladies infectieus­es (NIAID) avait recommandé de faire consommer régulièrem­ent de l’arachide aux enfants dès l’âge de quatre mois, ce qui permettait de réduire de 81% le taux d’allergie chez les enfants.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Il est estimé qu’aux États-Unis, 2% des enfants sont allergique­s aux arachides.

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