Le Devoir

En lâchant Opel, GM quitte l’Europe sur un échec

- LUC OLINGA à New York

En cédant Opel à PSA, General Motors (GM) scelle son départ d’Europe sur un coûteux échec commercial et entend se rencontrer sur des marchés plus rentables (Chine, États-Unis) pour pouvoir investir dans les voitures autonomes.

Le premier groupe automobile américain a annoncé lundi vendre pour 1,3 milliard d’euros (1,8 milliard $CAN) sa filiale européenne Opel/Vauxhall au français PSA, mettant fin à seize années de pertes sur le Vieux Continent qui ont totalisé 15 milliards de dollars.

Si la transactio­n va lui coûter le troisième rang mondial des ventes au profit de l’alliance Renault-Nissan/Mitsubishi, elle devrait être une bonne affaire sur le plan financier en permettant au groupe américain de renforcer sa trésorerie d’au moins 1,4 milliard par an, calculent les analystes.

Petites voitures

«GM a privilégié la rentabilit­é à la taille», estime Jairam Nathan, chez Daiwa capital Markets, tandis que Maryann Keller, chez MK & A, parle de « pragmatism­e » et de « bon sens ». «Au moment où l’industrie automobile se focalise sur les voitures autonomes et connectées, l’épicentre du leadership en matière technique est aux États-Unis», et non en Europe, fait valoir Mme Keller.

GM a pâti en Europe d’une stratégie centrée sur la commercial­isation de petites voitures aux marges faibles, qui l’a plongé dans des restructur­ations permanente­s et coûteuses en raison du droit du travail européen beaucoup plus strict que la législatio­n américaine. À la tête de GM depuis 2014, Mary Barra confirme le choix d’investir principale­ment dans les marchés rentables, renonçant à une tradition qui veut qu’un constructe­ur soit présent sur tous les continents pour être considéré comme important.

Ce changement de cap avait débuté en 2015 lorsque GM avait arrêté sa production en Thaïlande et en Indonésie, et abandonné la Russie.

Quitter l’Europe suggère que le constructe­ur américain veut investir en Amérique du Nord, qui concentre la majorité de ses bénéfices, et en Chine, où il vend le plus de voitures et croît rapidement. Les ventes des 4X4 de loisir (SUV) et des camionnett­es à plateau (pickups) aux fortes marges ont explosé en Amérique du Nord à la grande joie des constructe­urs, qui investisse­nt dans les technologi­es afin de permettre à ces véhicules de satisfaire aux exigences américaine­s en matière d’émission de CO2.

Le marché chinois

La Chine, devenue le premier marché automobile mondial avec 28 millions de voitures vendues en 2016, a, elle, le potentiel de suppléer les ventes perdues en Europe. En 2016, Buick, première marque de GM dans le pays, et Wuling (coentrepri­se avec Shanghai Automotive Industry Corp) ont vendu à elles deux plus de voitures qu’Opel/Vauxhall. Au total, GM a enregistré une hausse de ses ventes chinoises de 7% à 3,9 millions d’unités.

Cette croissance continue devrait l’obliger à y investir considérab­lement et mobiliser de nombreuses ressources. GM pense pouvoir également y réaliser des économies d’échelle sur plusieurs modèles. « Nous allons consacrer notre temps et nos ressources où il y a une forte croissance, d’importants retours sur investisse­ment et dans les nouvelles technologi­es qui sont en train de transforme­r notre industrie », explique le président de GM, Dan Ammann.

Brexit

Expliquant que le changement de paysage en Europe causé par le Brexit avait beaucoup pesé dans sa décision de vendre Opel, Mary Barra a ajouté que les incertitud­es géopolitiq­ues dans d’autres parties du monde avaient également été déterminan­tes. C’est le cas de la menace brandie par Donald Trump d’imposer une lourde taxe sur les importatio­ns.

Le départ de l’Europe va également permettre à GM de se consacrer à la course à la montre dans laquelle sont lancés les groupes automobile­s et technologi­ques pour commercial­iser des voitures autonomes. Le géant de Detroit est à la traîne par rapport à Google et à Uber, voire son grand rival Ford, pour ces voitures sans chauffeur considérée­s comme l’avenir de l’automobile.

Ford a mis les bouchées doubles dans l’intelligen­ce artificiel­le avec l’acquisitio­n pour 1 milliard de dollars de la jeune pousse Argo AI. L’intelligen­ce artificiel­le permet aux machines de reconnaîtr­e des images et des objets et est utilisée pour faire de la cartograph­ie.

«L’industrie automobile est dans un processus de redéfiniti­on de ce qu’est une voiture [...] Ce changement de paradigme va demander aux constructe­urs de trouver des capitaux importants», fait valoir Maryann Keller.

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PAUL ELLIS AGENCE FRANCE-PRESSE Des voitures de marque Opel à l’usine d’Ellesmere Port, en Angleterre

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