Le Devoir

Le bruit des choses rêvées

L’HISTOIRE DU GRILLON ÉGARÉ DANS UN SALON Conception, mise en scène, décors, costumes et accessoire­s de Claudie Gagnon. Une production du Théâtre des confettis. À la Maison Théâtre, jusqu’au 12 mars. Pour les 4 à 8 ans.

- MARIE FRADETTE

Au centre d’un salon, sous le tic-tac lancinant d’une horloge, une petite (Maryse Lapierre) dort paisibleme­nt toute recroquevi­llée sur un fauteuil. Dans ses bras, une peluche qui s’apparente à un lutin semble la réconforte­r. Puis, tout à coup, le bruit d’un criquet la réveille. Elle se met à chercher l’insecte partout, sous les tapis, dans les armoires, derrière des portes. C’est alors que débute une aventure de l’autre côté du miroir, là où se déploie un imaginaire foisonnant.

Il y a d’abord et surtout dans cette féerie le chmou — interprété par Olivier Forest — ce toutou alter ego, double de la petite, qui prend vie. Il accompagne­ra l’enfant tout au long de ce voyage onirique, assurant à l’aide de différents instrument­s de musique, la trame sonore qui sous-tend le récit. Si elle ignore ou est insensible à sa présence pendant un bon moment, la fillette le voit en fin de parcours réunissant pour de bon le rêve et le réel.

Ce duo réussi ne saurait être complet sans la présence de Jonathan Gagnon qui assure ici différents rôles. Celui de cet homme rondelet à l’allure «chaplinien­ne» qui débarque pour prendre un thé; celui de cette fée des dents un peu rustre, tout le contraire du stéréotype, qui vient, à l’aide d’un fil, tirer sur une précieuse dent ou, enfin, ce personnage, reflet presque identique de l’enfant, qui traverse le miroir pour passer un moment avec elle.

Transforma­nt le décor sous les yeux attentifs des petits, ouvrant portes, livres et fenêtres, faisant apparaître différents personnage­s et objets, métamorpho­sant par exemple un âtre en monstre, l’auteure et metteure en scène Claudie Gagnon s’assure de les rejoindre grâce à cette façon bien singulière — et pourtant bien simple — de jouer. C’est en effet un jeu de cache-cache d’abord qu’elle propose aux spectateur­s. Et ils embarquent. Il faut les entendre s’exclamer devant la première apparition du chmou, cette peluche version vivante. Ils pointent le personnage, veulent que l’héroïne le voie. On assiste à une réaction tout aussi forte lorsque qu’une bête poilue sort d’un tiroir ou alors lorsque deux cadres deviennent subitement des yeux qui fixent et suivent l’enfant: «Ohhh mais pourquoi ils la suivent comme ça?», demande une fillette dans la salle. La question demeurera sans réponse parce que c’est bien là toute la puissance de cette pièce. Suggérer, proposer un univers, inviter les jeunes à se laisser bercer sans leur donner de réponse parce qu’il n’y en a aucune ou alors elles sont toutes bonnes.

Ce spectacle sans paroles est ainsi porté par la force des comédiens, par une mise en scène débordante de fantaisie, mais aussi par la musique et les nombreux sons qui font office de dialogues, qui rendent une émotion, campent une atmosphère. Olivier Forest, comédien, mais aussi et surtout percussion­niste et compositeu­r, notamment directeur artistique du Théâtre à Tempo Clown, assure avec finesse cette partie essentiell­e du spectacle. Que ce soit à l’aide d’une flûte à bec, un tambour ou alors un vieux tuyau recyclé, il joue avec les sons pour mieux traduire l’imaginaire présenté. Et, à entendre les réactions des enfants dans la salle de la Maison Théâtre, force est de constater que la magie opère.

Newspapers in French

Newspapers from Canada