Insidieux printemps populiste
Les dirigeants européens font «ouf!» après la «défaite» du leader d’ultradroite Geert Wilders aux législatives tenues aux PaysBas. Soulagés, avec raison, que les urnes se soient braquées contre la xénophobie. Le «printemps populiste» que M. Wilders cherche à semer pour lui-même et pour l’Europe n’a pas pour autant été déraciné.
Qui a gagné, qui a perdu? La réponse ne coule pas de source à l’issue des élections néerlandaises. Si le Parti pour la liberté (PVV) de Geert Wilders se retrouve finalement loin derrière les libéraux du premier ministre sortant Mark Rutte — 20 sièges contre 33 — il reste que la mouvance d’extrême droite a amélioré sa représentation (de 5 députés). Avec le résultat que le PVV devient le deuxième parti en importance aux Pays-Bas, ce qui est d’autant plus dérangeant que cette progression s’inscrit dans un phénomène sans précédent de fractionnement de la scène politique, où la part des deux ou trois partis traditionnels se dilue maintenant à la faveur d’une dizaine de formations tierces. Si, ensuite, le PVV plafonne à l’intérieur d’une fourchette de 10 à 15% des voix récoltées dans les trois scrutins tenus depuis 2010, il reste que M. Wilders, dont les propos font presque passer Marine Le Pen pour modérée, était donné premier ministre par les sondages il y a encore peu.
Au-delà d’une lecture simplement mathématique du résultat des urnes, il se trouve que cette campagne a reconfirmé ce qui se produit un peu partout en Europe. À savoir que le discours populo-intolérant des Wilders et compagnie a eu une sale tendance à dominer insidieusement les conversations nationales, aspirant l’ensemble des classes politiques.
Dans ce contexte, les progrès enregistrés par le parti écologiste Gauche verte (GV) et les centristes réformateurs de D66, deux partis qui se sont résolument positionnés contre Wilders, sont de nature à donner espoir. C’est ainsi qu’emmené par son jeune leader, Jesse Klaver, dans lequel les médias ont décidé de voir le «Trudeau néerlandais», GV va voir sa représentation presque quadrupler (de 4 à 14 députés) dans le Parlement qui compte 150 sièges.
Mais en ce qui concerne les autres, y compris les libéraux de centre droit de M. Rutte, il faut bien se rendre à l’évidence qu’ils ont décidé qu’il leur serait électoralement utile de surfer sur la dérive générale. Les chrétiens-démocrates de la CDA, qui seront sans doute appelés à faire partie de la prochaine coalition gouvernementale, se sont mis à défendre des positions à peine moins europhobes et islamophobes que celles du PVV. Nombre de commentateurs ont relevé que la popularité de M. Rutte s’était améliorée quand ce dernier a durci le ton dans la dispute qui l’a opposé ces dernières semaines à cet épouvantable démagogue qu’est devenu le président turc, Recep Tayyip Erdogan.
Bref, «le génie ne retournera pas dans la lampe», comme l’a si bien dit M. Wilders après le scrutin. Sa défaite relative n’annule pas la force de captation des opinions défendues par la droite radicale. Entendu qu’il ne sera invité à participer à la nouvelle coalition — qui sera difficile à former. Mais il en fera quand même un peu partie si le nouveau gouvernement ne prend pas acte du fait que la réaction identitaire qui se manifeste dans le pays — une société qui jouit pourtant de l’un des plus hauts niveaux de vie au monde — est le produit du sentiment parmi les gens que les élites les ignorent.
Un véritable progrès, ce scrutin? L’Europe est dans la tempête. Le prochain rendez-vous est français.