Les colons: le temps pas très béni des colonies
LES COLONS (V.F. THE SETTLERS) DE ★★★ 1/2 Documentaire de Shimon Dotan. France-Israël-Canada, 2016, 107 minutes.
Le 15 février dernier, flanqué du premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, lors de sa visite à la MaisonBlanche, le président américain, Donald Trump, n’a pas semblé très au fait de la complexité du conflit israélo-palestinien, pas très chaud non plus devant la «solution à deux États», implorant mollement une retenue en ce qui concerne la construction de colonies.
Lui qui n’aime pas lire aurait tout intérêt à jeter un oeil au documentaire de Shimon Dotan, Les colons, sur l’impact politique et économique de la présence israélienne en territoires palestiniens, tout particulièrement en Cisjordanie, et une incursion chez des colons de toutes les allégeances, des plus conciliants aux plus fanatiques.
Le tout débute sur un ton quelque peu pédagogique, avec comme point de départ la guerre de Six Jours de 1967, moment déterminant où la puissante armée israélienne va conquérir des territoires appartenant à la Jordanie, à la Syrie et à l’Égypte. Shimon Dotan, cinéaste américain né en Roumanie et ayant vécu en Israël avant de s’établir à Montréal puis à New York, s’appuie sur de nombreux témoignages et quelques films d’archives pour illustrer une vérité historique trop souvent occultée: l’État d’Israël n’a jamais officiellement amorcé la colonisation des territoires, mais n’a pas non plus freiné l’élan de ceux et celles qui en ont fait la cause de leur vie. Au point de défier l’autorité, de risquer le tout pour le tout devant des soldats armés jusqu’aux dents, et plus tard de commettre des attentats terroristes que certains évoquent avec une fierté non dissimulée.
Cette impulsion fut donnée par quelques intrépides, dont Benny Katzover, qui vont s’installer dans des hôtels, planter leur tente ou leur maison mobile sans se soucier de la sensibilité de leurs voisins, et surtout sans demander la permission aux politiciens israéliens. Ceux-ci seront vite dépassés par l’ampleur du mouvement, irritant les pays arabes producteurs de pétrole, bougie d’allumage de la fameuse crise de 1973, preuve parmi d’autres des résonances internationales des moindres soubresauts israélo-palestiniens.
Shimon Dohan avait déjà donné la parole à des terroristes palestiniens croupissant derrière les barreaux des prisons israéliennes (Hot House). Il n’hésite pas cette fois à aller à la rencontre des plus intransigeants de son propre camp, comme Yehuda Etzion, qui avait planifié la destruction de l’esplanade des Mosquées à Jérusalem, l’homme évoquant la chose sur un ton badin. Même désinvolture parmi les membres d’un groupuscule que le cinéaste a pu filmer dans une troublante proximité : le Hilltop Youth.
Ces colons arborent un style hippie, mais leur discours n’a rien de fleur bleue. Ils affichent un racisme décomplexé à l’égard de tous les Arabes, l’insufflent à leur progéniture, et voient en l’ultranationaliste Yigal Amir, l’assassin du premier ministre Yitzhak Rabin tué en 1995, un modèle à suivre. Ici et là, quelques voix critiques se font entendre, mais étouffées par le vacarme d’une occupation qui s’effectue sous le regard impuissant de la communauté internationale. The Settlers apparaît d’abord comme un rappel historique, mais devient vite un rappel à l’ordre: l’indifférence est souvent mauvaise conseillère.
V.O.: Forum. V.O., s.-t.f. : Cinémathèque québécoise.