À chacun ses Boys
Jay Baruchel prend le plein contrôle de sa seconde incursion dans le monde de Goon
GOON – LE DERNIER DES DURS À CUIRE (V.F. DE GOON – LAST OF THE ENFORCERS) ★★ 1/2 Drame sportif de Jay Baruchel. Avec Seann William Scott, Liev Schreiber, Alison Pill, Wyatt Russell. Canada, 2017, 101 minutes.
Harmonium, Neil Young, Puccini : ils tapissent, comme autant de bonnes surprises, la trame musicale de Goon – Le dernier des durs à cuire, de Jay Baruchel. Même si on pouvait déjà entendre un extrait de Turandot dans Goon (2011), le petit choc culturel consistant à juxtaposer opéra et hockey fait toujours son effet, tout comme les mélodies du groupe mythique de Serge Fiori dans la froideur d’un aréna.
Pas sûr toutefois que les amateurs de cet univers de brutes sur patins seront charmés par cet éclectisme, eux qui attendaient fébrilement le retour de leurs glorieux hockeyeurs canadiens (et multiculturels) depuis le succès d’un premier film dont la drôlerie n’avait rien à envier à celle des Boys, voire de Lance et compte. Jay Baruchel a aussi décidé d’en prendre le plein contrôle, maintenant réalisateur en plus d’être scénariste de cette fantaisie grinçante et vulgaire qui, pour paraphraser un des «goons» qu’il a imaginés, devrait à nouveau fasciner « le Canada… et quelques États américains ».
La singularité de Goon tenait à la complexité, somme toute relative, du personnage de Doug Glatt (Seann William Scott, en grande forme), assumant son statut de fier-à-bras, et dont la bêtise lui confère de la candeur. Ce qui ne l’empêche pas d’acquérir de la maturité, futur père de famille auprès de l’ancienne allumeuse des vestiaires, forcé de rejoindre les rangs des esclaves du 9 à 5 après une violente altercation avec un autre de son espèce, Anders (Wyatt Russell), star montante du hockey extrême.
Désireux d’effectuer un retour malgré ses limites physiques, il demande l’aide d’une autre vedette déchue avec qui il a déjà croisé le fer (Liev Schreiber et son horrible moustache, combinaison gagnante), permettant à son équipe de rêver aux grands honneurs après avoir connu les bas-fonds du classement — un drame national, comme chacun le sait, peu importe la ligue…
Jay Baruchel a beau revendiquer sa feuille d’érable, il demeure un disciple de l’humour potache de Judd Apatow (Knocked Up, This Is 40). Ce qui constituait à l’époque une bonne surprise, et une réponse contemporaine à la suprématie symbolique de l’increvable Slap Shot, remplit maintenant le cahier des charges des suites à succès, à commencer par ce refus de diminuer la cadence du langage ordurier. On y sent aussi cette nécessité de ramener des personnages familiers sans trop savoir quoi en faire, comme celui défendu par Marc-André Grondin, la caution canadienne-française de l’affaire, le plus souvent taciturne et en retrait.
Tel un gardien du temple, ou un gardien de but, Baruchel maintient le même niveau d’insolence, comme si la raison d’être de Goon résidait d’abord dans toutes ces blagues à caractère antisémite, raciste ou homophobe. Celles-ci sont bien sûr désamorcées par leur accumulation dégoulinante, prouvant par l’absurde ce désir juvénile de froisser les vertueux. Sans compter cette envie rarement subtile de jouer la carte Rocky avec son lot de gueules fracassées (au ralenti), la patinoire devenant un ring où tous les coups sont permis. De là à considérer Goon – Le dernier des durs à cuire comme une apologie des commotions cérébrales et de ses effets délétères sur le langage…
V.O.: Forum, Carrefour Angrignon, Cavendish, Colisée Kirkland, Côte-des-Neiges, Lacordaire, Des Sources, Spheretech, Marché Central. V.F.: Quartier latin, Carrefour Angrignon, StarCité, Lacordaire, Marché Central.