Le Devoir

Six questions sur l’échec de l’extrême droite aux Pays-Bas

- PROPOS RECUEILLIS PAR STÉPHANE BAILLARGEO­N

Le professeur Wouter van der Brug enseigne les sciences politiques à l’Université d’Amsterdam. Ses recherches portent sur le comporteme­nt électoral, les mouvements populistes et les partis politiques. Il éclaire les résultats et les conséquenc­es européenne­s des élections législativ­es de mercredi aux Pays-Bas. Le Parti populaire libéral et démocrate (VVD) du premier ministre Mark Rutte est arrivé en tête des 28 formations en lice, récoltant 33 des 150 sièges. Le radical de droite Geert Wilders et son Parti pour la liberté (PVV) passent à 20 députés, cinq de plus qu’en 2015, sans réussir la grande percée qu’ils espéraient.

Les résultats du scrutin vous ont-ils surpris?

Ces résultats correspond­ent assez à ce que nous annonçaien­t les sondages. Les libéraux ont fait un peu mieux que prévu. Le PVV chutait dans les intentions de vote depuis un an et surtout depuis quatre mois. En fait, la plus grande surprise vient de l’ampleur de la perte des travaillis­tes. Les écologiste­s ont récupéré des voix sociales-démocrates, mais en général la chambre se déplace plus à droite. La droite radicale ne sort pas victorieus­e de ce scrutin, qui ne signifie pas une victoire de la gauche pour autant.

Comment expliquez-vous cette relative défaite du PVV?

Ce parti a bénéficié de la crise migratoire en Europe. Comme d’autres dans l’Union européenne d’ailleurs. Le parti Alternativ­e für Deutschlan­d a fait une grande percée dans la foulée de cette crise. Par contre, le sujet est maintenant moins central. En plus, Geert Wilders n’a pas beaucoup fait campagne. Il n’a pas participé aux débats entre les candidats. Il a réduit ses apparition­s publiques même quand son parti perdait des points dans les sondages. Il ne semble pas intéressé par le pouvoir. C’est un peu comme s’il ne voulait même pas devenir le chef du premier parti des Pays-Bas.

Quels autres problèmes discutés pendant la campagne ont pu influer sur les résultats du scrutin ?

Étrangemen­t, mis à part la santé, aucun autre problème n’a dominé. Les différente­s formations ont discuté de différente­s questions, les retraites ou les emplois précaires par exemple. La crise avec la Turquie a aussi joué un rôle au final. On aurait pu penser que les tensions allaient profiter à Wilders, mais finalement le leadership ferme de Rutte l’a emporté.

Va-t-il nécessaire­ment reformer le gouverneme­nt?

Pas nécessaire­ment. Aucune règle n’oblige le parti le plus représenté en chambre à dominer la coalition au pouvoir. En même temps, il est difficile d’imaginer un regroupeme­nt sans le VVD et les chrétiens-démocrates. Ce sera donc un gouverneme­nt de droite, mais la droite radicale en sera exclue.

Quelles sont les conséquenc­es de ces résultats pour l’Europe, particuliè­rement pour les autres formations de la droite radicale en France et en Allemagne où il y aura aussi des élections ce printemps?

Ces partis ne sont jamais très forts. Aux Pays-Bas, le PVV a oscillé depuis dix ans entre 6 et 16 ou 17% des voix. Il y a de la marge pour gonfler à 20%, mais pas beaucoup plus. Dans certains autres pays, en Autriche par exemple, le parti similaire a atteint une fois le seuil des 25%. Ces partis importants ne sont majoritair­es nulle part. Même en France, il semble très peu probable que Marine Le Pen remporte la prochaine présidenti­elle. Au deuxième tour, elle pourrait faire mieux que son père JeanMarie Le Pen qui avait ligué contre lui 80 % des électeurs en 2002, mais ce serait très surprenant qu’elle l’emporte.

Qu’y a-t-il de commun entre ces partis et comment faut-il les désigner?

Je préfère parler de droite radicale. En Europe, cette droite partage une position anti-immigratio­n. Ils sont populistes en ce sens qu’ils croient que dans chaque pays une élite trahit le peuple. Mais ce ne sont pas des partis d’extrême droite en ce sens qu’ils ne veulent pas renverser l’ordre constituti­onnel démocratiq­ue. La démocratie repose toujours sur deux piliers: la règle de la majorité et la défense des individus comme des minorités. À l’évidence, la droite radicale ne respecte pas trop ce deuxième principe. Ce ne sont donc pas des partis fascistes.

La droite radicale ne sort pas victorieus­e de ce scrutin, qui ne signifie pas une victoire de la gauche pour autant

 ?? ROBIN UTRECHT AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Le parti radical de droite, dirigé par Geert Wilders, n’a pas réussi la grande percée qu’il espérait.
ROBIN UTRECHT AGENCE FRANCE-PRESSE Le parti radical de droite, dirigé par Geert Wilders, n’a pas réussi la grande percée qu’il espérait.

Newspapers in French

Newspapers from Canada