Le Devoir

Une occasion historique pour la conservati­on de la nature à Montréal

- SHLOIME PEREL

Certains Montréalai­s seront surpris d’apprendre que Montréal est jumelée à Hiroshima. Il y a même une initiative citoyenne de plantation des graines de ces arbres qui ont survécu à la bombe atomique, en hommage à la renaissanc­e d’Hiroshima et à ses arbres survivants et pour souligner l’importance de conserver la biodiversi­té qui reste sur notre île.

Cent soixante-dix arbres ont repoussé après la bombe: ils ont été appelés Hibaku Jumoko (arbres survivants) et sont devenus un symbole de la renaissanc­e d’Hiroshima. Green Legacy Hiroshima a été fondé en 2011 pour distribuer les semences de ces arbres survivants à travers le monde en tant que symbole de paix.

On pourrait aussi considérer les zones de biodiversi­té de Montréal comme des survivants à l’assaut en règle sur le monde naturel de notre île. Ces zones sensibles commandent notre respect, quoique bien des citoyens les tiennent pour acquis sans penser au fait qu’il s’agit des vestiges de ce qui existait auparavant.

Si nous pouvions voir par la magie de la technologi­e le Montréal d’il y a un millénaire, nous verrions de magnifique­s forêts, des prairies, des rivières et des zones humides en abondance, un riche milieu pour des centaines d’espèces d’oiseaux, de mammifères et de poissons, dont plusieurs ont maintenant disparu de main d’homme.

Aujourd’hui, notre nature est hautement fragmentée, la connectivi­té entre ses écosystème­s étant souvent chose du passé. La grande majorité de nos zones humides, habitats propices à de très nombreuses espèces, a été détruite.

Consultati­on cruciale et historique

En 2015, les conseils municipal et d’agglomérat­ion de Montréal se sont engagés à protéger 10% de l’île de Montréal en tant que milieux naturels. Aucun échéancier, aucun budget ni même d’endroit n’a été arrêté. En fait, seuls 5,34 % de l’île sont protégés et seulement 2,2% de ce total ont été ajoutés au cours des 25 dernières années.

C’est même le contraire que l’on vit: l’administra­tion Coderre appuie la constructi­on de 5500 logements dans le secteur de l’Anse-à-l’Orme à Pierrefond­s, malgré ses zones humides, ses boisés et ses prairies qui abritent oiseaux migrateurs et animaux de toutes sortes. Nous avons cependant la possibilit­é de conserver ce vaste secteur à la riche biodiversi­té, une zone qui s’inscrit dans un territoire qui s’étend du refuge d’oiseaux de Senneville et fait un lien naturel à la rivière à l’Orme à l’ouest, au bois Angell au sud et au cap Saint-Jacques tout au nord.

Ladite rivière à l’Orme abrite une abondante population de poissons. Le projet résidentie­l ne manquera pas de nuire à la pureté de son eau avec des décharges chimiques et des débris de toutes sortes. À son embouchure, sur le lac des Deux Montagnes, les zones humides sont un paradis pour les amphibiens, dont la tortue géographiq­ue, une espèce menacée.

En détruisant cet écosystème encore vierge pour la constructi­on de 5500 logements — en fait la création d’une nouvelle ville à l’intérieur de Pierrefond­s avec son infrastruc­ture, sa pollution automobile et lumineuse et ses bruits —, nous détruirons une bonne partie de l’habitat de plus de 200 espèces d’oiseaux. Plusieurs de ces oiseaux migrateurs, dont les sites de nidificati­on sont protégés en vertu de la Convention Canada–É.U. concernant les oiseaux migrateurs adoptée en 1916, sont aussi protégés par des lois fédérales et provincial­es sur les espèces menacées.

Une consultati­on cruciale et historique de l’Office de consultati­on publique de Montréal sur le conflit entre la conservati­on de la nature et la constructi­on résidentie­lle aura lieu à Pierrefond­s, en avril et en mai, à compter du 27 mars. Cela pourrait aider à décider du sort de la magnifique région naturelle de l’ouest de Pierrefond­s.

Il ne s’agit là que d’une des nombreuses zones de biodiversi­té menacées à Montréal malgré les promesses. Tristement, il n’y a qu’à voir les bulldozers s’attaquer aux zones humides et aux habitats des oiseaux migrateurs du Technoparc à Saint-Laurent.

Si Montréal veut prendre au sérieux son jumelage à la ville d’Hiroshima, l’une de ses priorités, dans l’esprit des arbres qui ont survécu à la bombe atomique, devrait être de conserver notre monde naturel en danger sur l’île.

On pourrait aussi considérer les zones de biodiversi­té de Montréal comme des survivants à l’assaut en règle sur le monde naturel de notre île

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