L’aide à mourir
J’ai 77 ans et, comme l’a si bien écrit Baudelaire: «Je suis un vieux boudoir plein de roses fanées/Où git tout un fouillis de modes surannés/[…] Désormais tu n’es plus ô matière vivante/Qu’un granit entouré de vague épouvante…» En résumé, je me ratatine, je plisse, et le plus insupportable est tous les trous qui viennent insidieusement contrarier ma mémoire. Résultat : un sentiment de vulnérabilité me ronge le tréfonds. Non sans raison. Dans ma lignée maternelle, mon grand-père, une tante, un oncle sont morts atteints de la maladie d’Alzheimer. Ma mère aussi. Dans son cas, nous avons vu cette femme généreuse, aimant tant la vie, et son unique petit-fils, dépérir progressivement puis sombrer totalement. Deux longues années inconsciente, incapable de s’alimenter. Que de désarroi, d’impuissance! Le pire, à sa mort, j’ai éprouvé un profond soulagement…. Pourtant, elle avait été une bonne mère, une mère aimante.
Alors, puisque le débat de l’aide à mourir refait surface, j’aimerais qu’on m’accorde le droit de trompeter avec force, encore lucide, que je ne veux pas d’une pareille fin… Un poids inutile pour ceux que j’aime et pour la société… Un désir profond que je veux pouvoir exprimer par anticipation. Mieux encore, je voudrais, lorsque mon état n’aura plus une qualité de vie que je juge satisfaisante, pouvoir recevoir une aide à mourir et m’éteindre sereinement, entourée des miens. Ne serait- ce pas le fait d’un monde civilisé qui reconnaît à chacun le droit, la liberté de penser sa vie, ce qui lui donne un sens. Ce n’est donc pas aux voisins, qui ne paient ni nos taxes ni nos impôts, d’en décider. Solange Gagnon Oka, le 24 mars 2017