Une hausse anticipée des loyers menace des organismes locataires
La Commission scolaire de Montréal propose des hausses importantes des loyers de ses bâtiments excédentaires, ce qui pourrait mettre en péril plusieurs organismes communautaires et Centres de la petite enfance, a appris Le Devoir. Les locataires dont le bail vient à échéance le 1er juillet prochain apprennent en effet ces joursci que leur nouveau bail sera désormais annuel et que leur loyer sera soumis à des hausses allant de quelques milliers de dollars à 127 000 $.
C’est du moins ce que laisse entendre le texte d’une résolution qui sera soumise pour adoption au Conseil des commissaires demain, mercredi, dont nous avons obtenu copie. La CSDM y argue notamment qu’elle doit assumer les coûts élevés d’entretien de ces bâtiments vétustes, sans aucune aide du gouvernement du Québec.
«Si la CSDM réussit à se tenir la tête hors de l’eau, mais qu’elle noie tout le monde autour… ce n’est pas mieux», illustre Violaine Cousineau, commissaire scolaire indépendante dans le Sud-Ouest. «On ne s’oppose pas à toute hausse, mais on demande à ce que ça soit fait de façon respectueuse avec les partenaires. Là, c’est beaucoup trop drastique. C’est fait de façon cavalière sans regarder la capacité de payer des organismes».
Nouveaux calculs
Les nouvelles règles permettent de hausser les loyers en jouant sur deux fronts : augmenter les tarifs au pied carré en vertu d’une grille qui propose de nouvelles catégories (OBNL, entreprises privées, etc.) et augmenter la superficie totale de 25% pour les locataires qui partagent avec d’autres des aires communes (toilettes, couloirs) qui ne leur étaient pas facturées jusqu’ici.
Situé au coeur du PlateauMont-Royal, le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF) est visé par ces deux changements. Son tarif au pied carré augmente de 0,10 $ — de 11,35 $ à 11,44 $ — et sa superficie est majorée d’environ 500 pieds (25%). Résultat? Un loyer plus cher de 5600 $. « Une telle augmentation n’a aucune allure pour un organisme», déplore Lydya Assayag, directrice du RQASF. «Ce que je trouve de mauvaise foi c’est qu’ils essaient de faire en douce ce qu’ils n’ont pas pu faire directement.»
Selon elle, son organisme ne saura pas survivre à une telle hausse. Déjà, les coupes de l’ancien gouvernement Harper l’avaient fait passer de 8 à 2 employés. «On n’est quand même pas à la place Bonaventure», ajoute Mme Assayag.
Les CPE en pâtissent
Deux CPE font partie des 34 organismes dont le bail arrive à échéance le 1er juillet et qui sont visés par les nouvelles règles. Fondé en 1972, le CPE Soleil du Quartier conserve la même superficie, mais voit son loyer passer de 13$ à 15$ le pied carré, soit le tarif le plus élevé de la nouvelle grille, celui de la catégorie «entreprises privées et organismes institutionnels ». Pour la directrice générale, France Cantin, l’augmentation de plus de 30 000$ de son loyer est un non-sens. «On est un des plus vieux CPE du Plateau-MontRoyal et on a de la difficulté à répondre à la demande car il y a peu de CPE. On n’a pas de problème avec une hausse, mais il faut nous classer à la bonne place. On est un OBNL, pas une entreprise commerciale.»
Au total, 25 CPE sont logés dans les locaux excédentaires de la CSDM. Le directeur du CPE Alexis le Trotteur, dont le bail vient à échéance l’an prochain, craint de subir le même sort. Selon ses calculs, son bail pourrait carrément doubler. « Comment gérer un CPE avec une épée de Damoclès en permanence audessus de la tête?» dit Guy Arseneault. Selon lui, le bail, désormais d’un an seulement, ne satisfait pas les conditions du ministère de la Famille qui exige un engagement de cinq ans pour octroyer un permis à un CPE.
La CSDM indique que le document qui circule n’est pas dans sa version finale. La présidente, Catherine Harel-Bourdon, se dit «très sensible» à la réalité des locataires et se défend de les mettre devant le fait accompli. Selon elle, la plupart ont été rencontrés ces derniers jours et connaissent la réalité depuis un bon moment déjà. «Et pour les grosses augmentations, on propose de l’échelonner dans le temps», précise-telle. Elle plaide pour plus de financement. «Mais mon cri du coeur à moi, c’est qu’à un moment donné, il va falloir que la Ville de Montréal et le gouvernement s’y mettent. Depuis plus de 20 ans, la CSDM a été partenaire de ces organismes, mais tout ne doit pas reposer sur nos épaules. »
Catherine HarelBourdon se dit «très sensible» à la réalité des locataires et se défend de les mettre devant le fait accompli