Le Devoir

Les États-Unis ont attaqué

- ANDREW BEATTY à Palm Beach NICOLAS REVISE à Washington

une base aérienne de Syrie jeudi soir. Dans un court message, le président américain, Donald Trump, a soutenu que le régime syrien avait failli à ses obligation­s légales et qu’il était «une menace pour les États-Unis et ses alliés».

Les États-Unis ont frappé jeudi soir la Syrie, tirant des dizaines de missiles de croisière contre une base aérienne du régime en réponse à une attaque chimique présumée que Donald Trump a qualifiée de «honte pour l’humanité».

La frappe a été menée avec «59 missiles» Tomahawk, a annoncé un responsabl­e de la Maison-Blanche, précisant que Washington avait visé la base aérienne de Shayrat, qui est «associée au programme» d’armes chimiques de Damas et «directemen­t liées» aux événements « horribles » de mardi.

«Intérêt vital»

Le président Donald Trump a affirmé que ces opérations étaient «dans l’intérêt vital de la sécurité nationale » des États-Unis. La télévision syrienne les a de son côté qualifiées d’«agression».

Le 4 avril, un raid imputé à l’armée syrienne contre la localité de Khan Cheikhoun dans le nord-ouest de la Syrie a fait au moins 86 morts, dont 27 enfants. Les États-Unis ont accusé le régime du président Bachar al-Assad d’avoir utilisé un agent neurotoxiq­ue de type sarin contre cette petite ville rebelle, dont les images de victimes — femmes et enfants — agonisante­s ont choqué le monde.

Le président Trump avait menacé depuis mercredi de passer à l’action contre son homologue syrien pour cette attaque «odieuse», un «affront à l’humanité ».

Jeudi, en arrivant en Floride pour accueillir son homologue chinois Xi Jinping, il avait encore dénoncé une «honte pour l’humanité » et réclamé que « quelque chose se passe ».

Son chef de la diplomatie Rex Tillerson avait accusé «le régime syrien sous la gouverne du président Bachar alAssad d’être responsabl­e de cette attaque». La chancelièr­e allemande Angela Merkel a, elle aussi, montré du doigt le «régime d’Assad».

Mais la Russie, alliée de la Syrie, a averti les États-Unis, juste avant les frappes.

À l’issue d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU qui débattait depuis deux jours d’une résolution de condamnati­on de l’attaque, l’ambassadeu­r russe Vladimir Safronkov avait mis en garde contre des «conséquenc­es négatives» en cas d’interventi­on militaire américaine.

À l’été 2013, le prédécesse­ur de Donald Trump, Barack Obama, avait renoncé à frapper le régime syrien après une attaque aux armes chimiques près de Damas qui avait fait plus de 1400 morts. À l’époque, le magnat de l’immobilier Donald Trump avait exhorté sur Twitter M. Obama à ne pas intervenir en Syrie.

Jeudi, Rex Tillerson a en outre plaidé pour le départ du président syrien, après avoir dit le contraire il y a une semaine.

Dorénavant aux yeux du patron de la diplomatie américaine, «le rôle d’Assad à l’avenir est incertain et avec les actes qu’il a perpétrés, il semblerait qu’il n’ait aucun rôle pour gouverner le peuple syrien».

Jeudi dernier, lui et l’ambassadri­ce américaine à l’ONU Nikki Haley avaient semblé s’accommoder du maintien au pouvoir du chef de l’État syrien, avant de hausser le ton cette semaine.

L’ancienne secrétaire d’État démocrate Hillar y Clinton, qui avait milité pour une approche plus musclée de l’administra­tion de Barack Obama contre le régime de Damas, s’est dite favorable à des frappes pour «détruire» les bases aériennes syriennes.

Perçu comme un isolationn­iste et hostile à l’interventi­onnisme de l’Amérique au Moyen-Orient, Donald Trump avait reconnu mercredi que l’attaque chimique avait eu «un énorme impact» sur lui et que son «attitude vis-à-vis de la Syrie et d’Assad avait nettement changé».

Ampleur

L’indignatio­n internatio­nale a pris de l’ampleur après des images d’enfants pris de convulsion­s sous leur masque à oxygène, de personnes gisant dans les rues et saisies de spasmes, de la mousse sortant de la bouche. Le caractère chimique de l’attaque semble ainsi se préciser, même si les circonstan­ces restent controvers­ées.

En Turquie, où de nombreux blessés ont été évacués, les premières analyses «effectuées à partir des éléments prélevés sur les patients laissent penser qu’ils ont été exposés à un agent chimique », selon le ministère de la Santé. Des médecins et des ONG comme Médecins sans frontières (MSF) ont également évoqué l’utilisatio­n d’«agents neurotoxiq­ues », en particulie­r le gaz sarin.

Ce gaz est inodore et invisible. Même s’il n’est pas inhalé, son simple contact avec la peau bloque la transmissi­on de l’influx nerveux et entraîne la mort par arrêt cardio-respiratoi­re.

Le régime syrien a été accusé d’avoir utilisé du gaz sarin le 21 août 2013 dans l’attaque de localités aux mains des rebelles en périphérie de Damas, qui avait fait au moins 1429 morts, dont 426 enfants, selon les États-Unis.

Mais le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem a réaffirmé que l’armée de son pays «n’a pas utilisé et n’utilisera jamais» d’armes chimiques contre son peuple, « pas même contre les terroriste­s», expression du régime pour désigner rebelles et djihadiste­s.

D’après lui, l’aviation a frappé «un entrepôt de munitions appartenan­t» à des djihadiste­s et «contenant des substances chimiques». Une explicatio­n déjà avancée par l’armée russe mais jugée «fantaisist­e » par des experts militaires.

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ALEX BRANDON AGENCE FRANCE-PRESSE
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JARET MORRIS US NAVY AGENCE FRANCE-PRESSE Les États-Unis ont lancé une soixantain­e de ce type de missiles Tomahawk sur une base aérienne syrienne.

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