Le Devoir

La sénatrice Beyak plaide la liberté d’expression

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

L a sénatrice Lynn Beyak crie au crime de lèse-liberté d’expression. Elle estime que son exclusion du comité sur les peuples autochtone­s, en raison de ses commentair­es à propos des écoles résidentie­lles, relève de la rectitude politique.

«La rectitude politique réprime les opinions et la conversati­on réfléchie que nous devons avoir », écrit Mme Beyak dans un communiqué.

« Que je perde ma place au comité sur les peuples autochtone­s pour avoir souligné le travail des infirmière­s, des enseignant­s, des familles d’accueil et d’une pléiade d’autres Canadiens honnêtes et attentionn­és […] m’apparaît comme une menace sérieuse à la liberté d’expression.»

Mme Beyak est au coeur d’une controvers­e depuis qu’elle a déclaré au Sénat le 7 mars dernier qu’il y avait aussi eu du bon dans les écoles résidentie­lles et que plusieurs des gens liés à ces écoles avaient été «bien intentionn­és».

«Leurs travaux, actes et récits sur les pensionnat­s indiens sont essentiell­ement passés sous silence et éclipsés par des rapports négatifs, avait déploré la sénatrice conser vatrice. Certes, les aspects négatifs doivent être relevés, mais malheureus­ement, ils sont quelquefoi­s amplifiés et considérés comme étant plus dignes d’attention que les nombreuses bonnes actions qui ont été faites.»

Expulsée

Depuis, Mme Beyak est attaquée de toutes parts. Mercredi, la ministre des Affaires autochtone­s, Carolyn Bennett, avait demandé son expulsion du comité afin que celui-ci reste un «safe space» pour les témoins futurs. «Cela heurte les gens qu’elle pense qu’elle n’a rien à apprendre des survivants des écoles résidentie­lles.»

Lorsqu’on lui a demandé si le concept de «safe space» était compatible avec le parlementa­risme britanniqu­e basé sur le choc — souvent brutal — des idées, la ministre a été tranchante: les autochtone­s dont on parle sont des personnes «traumatisé­es».

Dans son communiqué, Mme Beyak déplore que « trop souvent, sur un large éventail d’enjeux, une minorité bruyante allègue l’offense chaque fois qu’un point de vue contraire au sien est évoqué. Pendant ce temps, la majorité silencieus­e, ceux qui contribuen­t à ce pays en travaillan­t, construisa­nt et vendant des choses, qui prennent soin de leurs parents et leurs enfants se sentent seuls dans leur coin. À tous ces Canadiens, je dis: vous n’êtes pas seuls».

Minimiser la discrimina­tion

Le député néodémocra­te Nathan Cullen démolit cet argument de la «majorité silencieus­e ». «Les racistes et les bigots disent toujours cela. […] C’est quoi, la prochaine étape? Défendre l’Allemagne nazie au nom de la liberté d’expression?»

Il déplore qu’il se trouve toujours quelqu’un pour minimiser une discrimina­tion au nom de la bonne intention de départ. Selon lui, Mme Beyak devrait être expulsée du Sénat, car sa «position de pouvoir et d’autorité » cautionne « l’ignorance» chez les autres.

L’aspirant chef conser vateur Maxime Bernier s’est porté à la défense de Lynn Beyak, qui l’appuie dans la course.

« Je pense que la rectitude politique est allée un peu trop loin », a-t-il déclaré. « En tant que parlementa­ires, nous avons le droit d’avoir des points de vue différents et d’en débattre.» Il est néanmoins d’accord avec son expulsion du comité.

Mme Beyak est au coeur d’une controvers­e depuis qu’elle a déclaré au Sénat le 7 mars dernier qu’il y avait aussi eu du bon dans les pensionnat­s autochtone­s

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