Le Devoir

Pas de consensus sur les fiducies sans droit de regard

- MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ante parlementa­ire à Québec

Les membres de la Commission des institutio­ns de l’Assemblée nationale ne se sont pas entendus sur l’encadremen­t des fiducies sans droit de regard, mais se sont mis d’accord sur le remboursem­ent des frais encourus par la création de celles-ci.

La commission a remis jeudi le rapport de ses «observatio­ns et conclusion­s» sur les 23 recommanda­tions qu’avait faites le commissair­e à l’éthique au sujet du code d’éthique des élus, en février 2015.

À l’époque, en plein débat sur la création d’une fiducie sans droit de regard par l’ex-chef du Parti québécois Pierre Karl Péladeau, le commissair­e Jacques Saint-Laurent avait recommandé de «préciser les obligation­s du député et les pouvoirs du commissair­e à l’égard des situations exceptionn­elles relatives aux intérêts détenus par un élu».

Les membres de la Commission des institutio­ns, qui sont issus de tous les partis représenté­s à l’Assemblée nationale, se disent « préoccupés par l’enjeu que soulève la recommanda­tion », mais ajoutent qu’ils trouvent cette recommanda­tion «difficilem­ent applicable».

En revanche, ils accueillen­t favorablem­ent la recommanda­tion concernant la modificati­on du code d’éthique afin qu’il prévoie le remboursem­ent, par l’Assemblée nationale, des frais engendrés par la constituti­on d’une fiducie sans droit de regard.

L’appui des membres s’explique par le fait que la création d’un tel mandat est obligatoir­e pour les ministres et le premier ministre, et donc «requis par l’emploi, la fonction qui vous est dévolue», a expliqué le député libéral Marc Tanguay, qui est membre de la commission. « On a accepté, après beaucoup de discussion­s, en se disant que c’est une règle imposée », a poursuivi la députée péquiste Agnès Maltais. Les élus disent s’être inspirés d’Ottawa, qui rembourse l’exercice selon un barème, qui prévoit un plafond de 3000 $.

Tracer la ligne

Dans son rapport, le commissair­e à l’éthique ne mentionnai­t aucun élu. Ses recommanda­tions faisaient toutefois écho à la situation dans laquelle s’est retrouvé Pierre Karl Péladeau, qui avait été pressé de se départir de sa participat­ion dans Québecor dès son entrée en politique. En septembre 2015, quelques mois après être devenu chef de l’opposition officielle, l’élu avait placé ses actifs dans une fiducie sans droit de regard.

«Est-ce qu’un chef de l’opposition, un leader parlementa­ire [doit placer ses avoirs dans une fiducie sans droit de regard] ? Où trace-t-on la ligne?» a demandé Marc Tanguay, pour illustrer la complexité de la réflexion. « C’est une problémati­que sérieuse, mais on ne peut pas rédiger un code d’éthique pour chaque député. Ça nécessite un mécanisme qui ne fait pas de particular­isme, qui n’isole pas de député, mais qui est suffisamme­nt clair et applicable pour tous. C’est tout un défi.»

Double emploi et double fonction

Le commissair­e à l’éthique recommanda­it par ailleurs aux membres de l’Assemblée nationale d’examiner la «pertinence de maintenir la possibilit­é, pour les députés, d’exercer simultaném­ent plus d’une fonction». Ici, les membres de la Commission des institutio­ns ont dit juger «opportun que l’Assemblée nationale balise l’exercice de plus d’une fonction par les députés», sans pour autant s’avancer sur une interdicti­on du double emploi, comme l’avaient recommandé deux des experts qu’ils ont entendus sur le sujet. «La Commission rappelle que certains ordres profession­nels exigent de leurs membres qu’ils maintienne­nt une certaine fréquence dans la pratique de leur profession pour conserver leurs droits », ont-ils écrit.

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