Le Devoir

Le temps des mesures concrètes

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La ministre de l’Immigratio­n, de la Diversité et de l’Inclusion, Kathleen Weil, a annoncé la tenue, à l’automne, de consultati­ons sur le racisme et la discrimina­tion systémique. Or le phénomène de la discrimina­tion envers les communauté­s culturelle­s, et plus particuliè­rement les minorités visibles, est déjà bien documenté. Le gouverneme­nt ne peut attendre la conclusion de ces consultati­ons pour agir.

La Commission jeunesse du Parti libéral du Québec avait réclamé la tenue d’une forme de consultati­on sur le racisme systémique. Appuyée par Québec solidaire, une pétition avait circulé en ce sens. Le gouverneme­nt Couillard a formé un comité-conseil pour lui demander quelle forme doit prendre cette consultati­on. S’agira-t-il d’une commission parlementa­ire ou d’une commission itinérante? On n’en sait rien; le comité, composé de la sous-ministre à la retraite Maryse Alcindor et d’une brochette de chercheurs et d’experts, ne s’est réuni qu’une seule fois.

Le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, redoute que cette consultati­on sur le racisme systémique — le terme systémique implique une responsabi­lité collective — aboutisse à un «procès culpabilis­ant» des Québécois. Jeudi, le PQ lançait sa propre pétition pour exiger du gouverneme­nt Couillard qu’il renonce à cet exercice. La pétition, que le chef péquiste a présentée avec quelques représenta­nts des communauté­s culturelle­s, affirme que la consultati­on risque d’aggraver les tensions entre la société d’accueil et les nouveaux arrivants. Il faut agir au lieu de consulter, clame le PQ, qui propose 20 mesures pour contrer la discrimina­tion et favoriser l’intégratio­n au marché du travail des immigrants.

La semaine dernière, le premier ministre, Philippe Couillard, a qualifié l’attitude du chef de l’opposition de « négationni­sme», un terme chargé puisqu’il s’applique à ceux qui nient l’Holocauste. À l’Assemblée nationale, jeudi, Philippe Couillard s’est lié à Gabriel Nadeau-Dubois, dont il a repris une des déclaratio­ns: une société mature doit «être capable de se poser les questions difficiles, notamment celle de la discrimina­tion et celle du racisme ». Sur la tenue de la consultati­on, libéraux et solidaires sont des alliés objectifs.

Il est vrai qu’elle a un air de déjà-vu, comme l’a fait remarquer Jean-François Lisée. En 2006, le gouverneme­nt Charest a tenu une consultati­on en vue de concevoir une politique de lutte contre le racisme et la discrimina­tion. La consultati­on a conduit à la présentati­on, deux ans plus tard, d’un plan d’action intitulé La diversité: une valeur ajoutée. Le gouverneme­nt se targue d’avoir fait des progrès depuis quant à l’embauche des personnes issues des communauté­s culturelle­s dans le secteur public.

La discrimina­tion à l’emploi et à l’accès à un logement est déjà bien documentée. Plusieurs études québécoise­s ont traité du phénomène.

Comme s’il donnait raison au PQ, Philippe Couillard affirme que son gouverneme­nt est déjà actif avec le projet de 98, qui vise à mettre de l’ordre dans la reconnaiss­ance des compétence­s profession­nelles des nouveaux arrivants. En outre, le dernier budget Leitão prévoit l’ajout de 26 millions en 2017-2018 pour soutenir l’intégratio­n des immigrants.

On peut se demander à quoi servira cette consultati­on. Le gouverneme­nt libéral, qui semble vouloir marcher et mâcher de la gomme en même temps, doit se rappeler que c’est la situation concrète des personnes victimes de discrimina­tion qu’il faut avant tout améliorer.

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ROBERT DUTRISAC

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