Le Devoir

Diplomatie des menaces

- GUY TAILLEFER

Difficile de dire — si tant est que Donald Trump le sait lui-même — s’il a vraiment modifié son approche face au bourbier syrien, vu les mots éplorés qu’il a prononcés dans la foulée de l’attaque à l’arme chimique de mardi («Mon attitude vis-à-vis de la Syrie et d’Al-Assad a beaucoup changé») et les menaces non étayées qu’il a lancées à l’endroit du régime de Damas. Rien en fait ne semble avoir plus d’influence sur cet homme que ce qu’il voit à la télé et ce qu’il retient de ses navigation­s sur les réseaux sociaux. Pour le reste, son idéologue en chef, Steve Bannon, lui montre le chemin.

Pris au pied de la lettre, ses commentair­es constituen­t un revirement par rapport aux propos tenus récemment par deux de ses principaux ministres sur la question syrienne.

La semaine dernière, l’ambassadri­ce américaine à l’ONU, Nikki Haley, affirmait « notre priorité n’est plus le départ d’Assad» — avant de se dédire à son tour en brandissan­t mercredi en termes vagues la menace d’actions unilatéral­es contre Damas —, pendant que le secrétaire d’État, Rex Tillerson, de passage à Ankara, s’en lavait aussi les mains en déclarant absurdemen­t qu’il revenait au «peuple syrien de décider» du sort du dictateur. Comme si les Syriens vivaient en démocratie électorale.

Avant l’attaque au gaz menée en Syrie, le gouverneme­nt Trump a appliqué la même rhétorique belliqueus­e en réaction à des tirs de missiles effectués par la Corée du Nord. M. Tillerson est allé déclarer à Séoul que «la politique de patience stratégiqu­e est terminée» face à Pyongyang, évoquant là encore la possibilit­é d’une interventi­on militaire. Ce qui serait complèteme­nt insensé, sauf peut-être pour flatter l’idée que le président américain se fait de lui-même. Plus imprévisib­le encore que Donald Trump est après tout le dictateur nord-coréen Kim Jong-un. Entendu que des attaques punitives lancées en Syrie ou en Corée du Nord ne feraient que jeter de l’huile sur le feu de dynamiques déjà très enchevêtré­es.

L’exercice du pouvoir fait-il en sorte que M. Trump prend aujourd’hui un tout petit peu mieux la mesure de la complexité des enjeux ? Quelles leçons tirera-t-il, à ce titre, de son sommet floridien avec le président chinois, Xi Jinping ?

Pour l’heure, sa diplomatie en est une, bancale, de menaces et d’intimidati­on — pendant que s’y conjugue sur le terrain, depuis son arrivée au pouvoir, une intensific­ation des opérations militaires américaine­s contre le groupe État islamique en Syrie et en Irak. M. Trump jappe fort et risque à tout moment de mordre. Il est prisonnier d’une logique exclusive du recours à la force.

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