Stade ou amphithéâtre : dépenses publiques et profits privés
Dépenser plusieurs centaines de millions de dollars publics pour maximiser les profits d’une équipe de baseball à Montréal est un projet de société profondément tordu. Le privé doit assumer risques et profits.
L’abattage récent d’un millier d’arbres et la presque totalité des 73,4 millions de dollars d’argent public dépensés au parc Jean-Drapeau visent aussi à maximiser les profits des promoteurs. La grande différence entre le stade des Expos et la création d’une nouvelle maxiplace des Festivals, tarifée, est l’illusion «de nature et de service public» enrobant cette dernière démarche.
L’appellation «amphithéâtre naturel» à l’île Sainte-Hélène masque le fait que des plans d’eau, prairies et boisés seront détruits, que l’on minéralisera l’essentiel du territoire et que l’on n’y saupoudrera que de rares arbres, infiniment plus petits que les géants abattus. Hors des grands événements, le site sera lugubre, d’une vastitude désolante, aux antipodes du caractère foisonnant d’Expo 67 que l’on prétend évoquer.
Le projet se vante d’améliorer l’accès au fleuve. Pourtant, pendant la plus grande partie de l’été, un immense espace situé entre le métro, le fleuve et le lac des Cygnes, incluant les abords du Calder, sera contrôlé par un réseau tentaculaire de clôtures et de guérites. En été, cette section du fleuve risque de n’être facilement accessible que les fins de semaine, dans le cadre d’événements extrêmement coûteux. En semaine, les visiteurs seront-ils interdits, devront-ils se faufiler entre camions et véhicules de service ou devrontils faire un détour d’un kilomètre ?
La Ville avance que les destructions actuelles seront compensées, un jour, ailleurs… Elle doit présenter publiquement une analyse comparative du site détruit et des compensations proposées, incluant les coûts des mesures hors site.
Pourquoi, comme proposé initialement au square Viger, faut-il raser d’immenses secteurs plutôt que trouver une solution inventive basée sur une analyse fine des potentiels et contraintes du site? Pourquoi cette quasi-privatisation, accompagnée d’un afflux massif de fonds publics, pour un projet qui contredit les politiques de la Ville et de la Société du parc JeanDrapeau sur l’arbre, les milieux naturels, le développement durable ?
L’amphithéâtre dénaturé du parc JeanDrapeau sera une déception coûteuse pour les payeurs de taxes. L’aménagement proposé dans ce parc identitaire de Montréal doit être révisé en profondeur pour offrir une véritable destination loisirs aux Montréalais, même à ceux qui ne paient pas des centaines de dollars pour les spectacles. L’argent public ne doit pas uniquement viser à maximiser les profits des promoteurs, que ce soit au parc Jean-Drapeau ou dans un éventuel stade des Expos. Daniel Chartier, architecte paysagiste Montréal, le 2 avril 2017