Montréal la grise, le drame de moeurs Boost
Voler des voitures pour espérer un jour voler de ses propres ailes
BOOST
1/2 Drame de moeurs de Darren Curtis. Avec Nabil Rajo, Jahmil French, Ntare Guma Mbaho Mwine, Oluniké Adeliyi. Canada, 2017, 95 minutes.
Dans Montréal la blanche, de Bachir Bensaddek, des personnages d’origine algérienne passaient la nuit à ratisser la métropole en voiture, un périple aux couleurs parfois exotiques et aux sonorités contrastées. Il y a ce même désir de décalage chez Darren Curtis (Who is KK Downey ?) dans Boost, un drame au croisement du « film de chars» et du récit d’apprentissage aux conclusions quelque peu cruelles.
Quant au visage multiculturel de Montréal, il apparaît comme un fait établi alors que Québécois de souche d’origine africaine, slave ou pakistanaise se côtoient sans brandir (ou du moins rarement) des drapeaux. Plusieurs d’entre eux sont engagés dans une course à l’argent qui relègue au dernier rang les questions identitaires, préoccupés par leur survie et celle de leur famille, ou tout simplement obsédés à l’idée de rouler en bolide.
Voilà ce qui motive Anthony (Jahmil French, sur la même note bourrue) et son copain Nakeem (Nabil Rajo, plus nuancé), pas tout à fait des élèves modèles, meilleurs pour reconnaître les voitures de luxe dans le laveauto où ils travaillent que pour les nettoyer, complices à une modeste échelle d’une bande criminelle. Lorsqu’ils repèrent une automobile très convoitée et décident de jouer dans la cour des grands, leur insolence prendra vite des proportions insoupçonnées, faisant d’abord des dépenses excessives suivies d’une virée bien arrosée, et bien sûr de quelques catastrophes impossibles à masquer ou à oublier.
Darren Curtis s’intéresse beaucoup au clivage psychologique entre deux amis aux origines différentes, unis par un même désoeuvrement, mais sa faveur va à Nakeem, dont on découvre la famille disloquée tenue à bout de bras par une mère courage (stupéfiante Oluniké Adeliyi) rarement dupe des incartades de son fils. Timide, voire timoré, Nakeem va effectuer la trajectoire la plus sinueuse, celle d’un garçon que l’on soupçonne puceau, prenant peu à peu une assurance qui l’étonnera lui-même — devant certains fiers-à-bras ou des représentants de la loi.
Cette posture narrative apparaît plus accomplie que les ambitions spectaculaires souvent en germe dans Boost — même le titre et l’affiche apparaissent comme un trompel’oeil —, forcément reléguées à la marge pour cause de budget insuffisant. Car on sent bien le désir du cinéaste de jouer dans des plates-bandes «rapides et dangereuses», sans pour autant réussir, surtout lorsqu’il doit se rebattre sur un simple dialogue pour illustrer une tragédie qui scelle le destin des deux jeunes protagonistes.
Au coeur d’un quartier montréalais jamais vraiment défini et toujours enrobé de gris, les protagonistes de Boost se fondent avec réalisme à ce paysage, rêvant parfois de prendre le large, mais tournant le plus souvent en rond. Avec ou sans bagnole. V.O.: Forum, Sphèretech. V.F.: Quartier latin.