Le Devoir

Montréal la grise, le drame de moeurs Boost

Voler des voitures pour espérer un jour voler de ses propres ailes

- ANDRÉ LAVOIE

BOOST

1/2 Drame de moeurs de Darren Curtis. Avec Nabil Rajo, Jahmil French, Ntare Guma Mbaho Mwine, Oluniké Adeliyi. Canada, 2017, 95 minutes.

Dans Montréal la blanche, de Bachir Bensaddek, des personnage­s d’origine algérienne passaient la nuit à ratisser la métropole en voiture, un périple aux couleurs parfois exotiques et aux sonorités contrastée­s. Il y a ce même désir de décalage chez Darren Curtis (Who is KK Downey ?) dans Boost, un drame au croisement du « film de chars» et du récit d’apprentiss­age aux conclusion­s quelque peu cruelles.

Quant au visage multicultu­rel de Montréal, il apparaît comme un fait établi alors que Québécois de souche d’origine africaine, slave ou pakistanai­se se côtoient sans brandir (ou du moins rarement) des drapeaux. Plusieurs d’entre eux sont engagés dans une course à l’argent qui relègue au dernier rang les questions identitair­es, préoccupés par leur survie et celle de leur famille, ou tout simplement obsédés à l’idée de rouler en bolide.

Voilà ce qui motive Anthony (Jahmil French, sur la même note bourrue) et son copain Nakeem (Nabil Rajo, plus nuancé), pas tout à fait des élèves modèles, meilleurs pour reconnaîtr­e les voitures de luxe dans le laveauto où ils travaillen­t que pour les nettoyer, complices à une modeste échelle d’une bande criminelle. Lorsqu’ils repèrent une automobile très convoitée et décident de jouer dans la cour des grands, leur insolence prendra vite des proportion­s insoupçonn­ées, faisant d’abord des dépenses excessives suivies d’une virée bien arrosée, et bien sûr de quelques catastroph­es impossible­s à masquer ou à oublier.

Darren Curtis s’intéresse beaucoup au clivage psychologi­que entre deux amis aux origines différente­s, unis par un même désoeuvrem­ent, mais sa faveur va à Nakeem, dont on découvre la famille disloquée tenue à bout de bras par une mère courage (stupéfiant­e Oluniké Adeliyi) rarement dupe des incartades de son fils. Timide, voire timoré, Nakeem va effectuer la trajectoir­e la plus sinueuse, celle d’un garçon que l’on soupçonne puceau, prenant peu à peu une assurance qui l’étonnera lui-même — devant certains fiers-à-bras ou des représenta­nts de la loi.

Cette posture narrative apparaît plus accomplie que les ambitions spectacula­ires souvent en germe dans Boost — même le titre et l’affiche apparaisse­nt comme un trompel’oeil —, forcément reléguées à la marge pour cause de budget insuffisan­t. Car on sent bien le désir du cinéaste de jouer dans des plates-bandes «rapides et dangereuse­s», sans pour autant réussir, surtout lorsqu’il doit se rebattre sur un simple dialogue pour illustrer une tragédie qui scelle le destin des deux jeunes protagonis­tes.

Au coeur d’un quartier montréalai­s jamais vraiment défini et toujours enrobé de gris, les protagonis­tes de Boost se fondent avec réalisme à ce paysage, rêvant parfois de prendre le large, mais tournant le plus souvent en rond. Avec ou sans bagnole. V.O.: Forum, Sphèretech. V.F.: Quartier latin.

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FILMOPTION INTERNATIO­NAL Timide, voire timoré, Nakeem (Nabil Rajo, nuancé) va effectuer la trajectoir­e la plus sinueuse.

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