La Faculté de théologie devient l’Institut d’études religieuses
Il ne s’agit pas seulement d’un changement de nom, mais bien de statut et même de vocation. Ce nouvel Institut, qui verra le jour dès le 1er mai prochain, sera placé sous l’égide de la Faculté des arts et des sciences. L’occasion de construire des ponts avec les autres disciplines que sont l’anthropologie, l’histoire, la philosophie ou encore les sciences politiques et d’appréhender ainsi le fait religieux dans toute sa complexité actuelle.
«On a pensé pendant longtemps que le fait religieux allait disparaître du paysage. Or, on sait très bien, lorsque l’on suit l’actualité, que la réalité religieuse est de plus en plus présente, et de plus en plus présente dans sa complexité et dans sa diversité, note JeanMarc Charron, professeur exerçant les fonctions de doyen. On ne peut plus aborder le fait religieux uniquement dans une perspective théologique. L’Institut d’études religieuses, intégré à la Faculté des arts et des sciences, va permettre des collaborations interdisciplinaires.»
La Faculté de théologie et de sciences des religions est donc morte, vive l’Institut d’études religieuses! Le début d’un nouveau chapitre dans la déjà longue histoire de l’établissement.
Celle-ci fait en effet partie des trois facultés fondatrices de l’Université de Montréal. Elle voit le jour en 1878. À l’époque, il s’agit d’une faculté de théologie catholique et canonique avec un rattachement institutionnel à l’Église catholique et aux normes romaines, ce qui correspond à la réalité de la société québécoise. Les questions religieuses de l’époque sont en effet essentiellement liées au christianisme,
dans ses versions catholiques et protestantes.
C’est ensuite dans les années 1990 qu’elle change de nom pour devenir la Faculté de théologie et de sciences des religions encore pour quelques jours, donc. À ce moment-là, l’étude des diverses traditions religieuses fait son entrée. Des spécialistes de l’islam, de l’hindouisme et du bouddhisme ou encore du judaïsme s’ajoutent au corps professoral jusque-là composé presque exclusivement d’experts du christianisme.
« La création de l’Institut, c’est le fruit naturel de l’évolution du travail de la Faculté, souligne M. Charron. Une faculté, ça ne fonctionne pas en vase clos sans regarder ce qui se passe à l’extérieur. La réalité religieuse québécoise a beaucoup changé. L’Université en prend acte en quelque sorte.»
Le professeur revient notamment sur l’attentat dans une mosquée de Québec, qui a tué six musulmans en janvier dernier.
«Cet événement illustre l’urgence qu’il ya à développer le dialogue dans une meilleure connaissance réciproque de nos traditions religieuses et spirituelles, indique-t-il. On ne peut pas construire le vivre-ensemble, assurer un vivre-ensemble harmonieux dans un contexte marqué par la diversité et le pluralisme des croyances, sans une connaissance de ces réalités. C’est un des aspects de la mission et de la vocation d’un institut comme le nôtre. »
De son point de vue, avoir une connaissance minime de toutes les religions est fondamental aujourd’hui pour qui travaille au sein des pouvoirs publics, mais au-delà, même en entreprise.
«Nous vivons dans un monde marqué par la mondialisation et la globalisation, analyse-t-il. Prenons l’exemple de gens qui voudraient développer leur commerce en Chine. Il faudrait qu’ils connaissent minimalement les traditions spirituelles de l’Asie pour pouvoir se débrouiller. En Occident, on est marqué par une tradition de séparation entre le politique et le religieux, entre la culture, la société et le religieux. On a tendance à vouloir privatiser la question religieuse. Il faut savoir qu’autour de la planète, il y a beaucoup de sociétés où le religieux n’est pas un aspect de la culture, mais l’aspect central, le pivot de celle-ci. Avoir une connaissance minimale des différentes traditions permet de ne pas faire d’impair et de mieux se comprendre.»
Vrai dans le milieu des affaires donc. Vrai également sur le terrain social. Ainsi, la Faculté de théologie, tout comme le futur Institut, contribue à la formation des enseignants du secondaire et du primaire qui donnent le cours d’éthique et de culture religieuse. Autre exemple, depuis la fin des années 2000, il n’y a plus d’aumôniers dans les milieux de santé et ce sont donc des intervenants en soins spirituels qui opèrent. Ils offrent des services non confessionnels ouverts à la diversité des parcours religieux et spirituels des gens qui sont hospitalisés. L’Institut participera à leur formation.
Au début des années 2000, Jean-Marie Charron a présidé le Comité sur les affaires religieuses créé à la suite de la déconfessionnalisation du système scolaire. Un comité ayant pour mission de conseiller le ministre de l’Éducation sur toute question relative à la place de la religion à l’école. Selon lui, tous les ministères devraient avoir un comité de ce type en leur sein afin d’être conseillés sur les questions de diversité religieuse, de tradition religieuse et de vivre-ensemble. Et ce, afin que cette dimension soit prise en compte dans toutes les grandes décisions.
Dès la session de rentrée, l’Institut d’études religieuses proposera une offre de cours très diversifiée. Des diplômes de premier et de second cycle, mais aussi des formations complémentaires susceptibles d’intéresser des étudiants en histoire, en sciences politiques ou autres, qui souhaiteraient avoir une compréhension de la réalité religieuse pour mieux cerner leur sujet. L’établissement propose également un cours en ligne d’introduction aux traditions religieuses du monde.
En ligne parce qu’il souhaite pouvoir atteindre le plus grand nombre avec cette formation. Parce que, répète son doyen, l’étude de la réalité religieuse est plus que jamais pertinente à l’heure actuelle.
«On ne peut plus aborder le fait religieux uniquement dans une perspective théologique »