Le Devoir

Les deux singes de Montarvie aux élans gastronomi­ques

- JEAN-PHILIPPE TASTET

LES MONTARVIE DEUX SINGES DE $$$1/2 ★★★★

Au sortir des Deux singes de Montarvie, ce très joli petit restaurant du Mile-End à Montréal, je me demandais si six plats (six, comme dans une petite demi-douzaine) faisaient un restaurant. Bien sûr, si j’avais été un client «normal», je me serais extasié devant le travail impeccable de Sean Murray Smith, chef exécutif et copropriét­aire de la maison. J’aurais été touché par le service chaleureux et attentionn­é de Shawn, responsabl­e de notre table ce soir-là.

J’aurais joint mes commentair­es dithyrambi­ques au flot de ceux publiés un peu partout dans les médias sociaux ou asociaux. Sans doute me serais-je moi aussi extasié.

Comme critique, j’ai quelques réserves en raison notamment de cette brièveté des propositio­ns. Mais concentron­s-nous sur les fleurs, dans un grand vase en cristal, un très gros bouquet de pivoines par exemple, la note de quatre étoiles indiquant que la maison est hautement recommanda­ble.

Je vous tairai mes quelques réticences à crier au génie qui viendraien­t, elles, dans un tout petit pot.

Les fleurs, donc. Tout ce qui a été déposé sur notre table ce soir-là était très beau et très bon. Absolument tout, de l’amuse-bouche jusqu’au dessert, ce qui est un événement rarissime dans mes déambulati­ons de critique. Même Rémi, mon ami levantin au sens critique (dans le sens ronchon du terme) particuliè­rement aiguisé en convint.

Madame Tremblay et Madame Barguirdji­an, deux personnes de qualité, âmes sensibles et papilles toujours aux aguets, s’exclamèren­t.

Deux menus

La maison propose exclusivem­ent deux menus; un premier appelé Menu dégustatio­n et un second, Menu dégustatio­n végétarien. Dans cette formule imposée, deux éléments se retrouvent d’un menu à l’autre également délicieux: une salade d’agrumes de saison, pamplemous­se et oranges de toutes sortes, noix et graines de quinoa grillées, ainsi que le dessert, un savant assemblage d’éléments hétéroclit­es au premier abord et délicieux au-delà des apparences, sorbet citron, petit churro fourré, noix de coco, chocolat blanc.

Les deux éléments du menu dégustatio­n végétarien prouvent, si besoin était, que la gastronomi­e peut très facilement se passer de viandes, volailles et autres résultats de massacres de bêtes à pattes galopant sur terre.

En entrée, Monsieur Shawn apporte une quiche de juliennes de poireaux frits déposée sur trois traits de purée de jalapeños et, en appui visuel très réussi, un minipoirea­u poché, nappé de fleurettes comestible­s.

Pour donner une touche Bon cop, bad cop à ce plat, le chef natif des Cantons-de-l’Est ajoute deux touches de fromage, Lindsay de l’Ontario et Alfred du Québec. Suivent dans un grand bol coloré de délicieux fettucine au sarrasin, miso oignon vert dans une mousse parfumée.

Dans la version pesco-végétarien­ne viennent s’intégrer parfaiteme­nt quelques crevettes de Matane et des copeaux de bonite, connue des connaisseu­rs sous le nom de katsuobush­i, et des profanes pour le fait que les copeaux se tortillent dans l’assiette, semblant prendre vie.

Les deux éléments originaux de la version non végétarien­ne sont tout aussi savoureux: en entrée, un trio de pétoncles, duo de purées de chou rouge et de chou-fleur, lardon, pointe d’ail dosée méticuleus­ement, minichips de pommes de terre bleues, quelques fleurs et deux ou trois pincées d’un mélange de poudres d’hibiscus, de fenouil et de poivre noir.

Interpréta­tion libre

Viendra plus tard l’interpréta­tion libre (très) du cassoulet : sur un fond de volaille à peine tomaté, relevé de vin blanc et d’une trace discrète de jambon fumé, quelques bouchées de flanc de porc confit dans du gras de canard, un petit morceau de foie gras poêlé et une saucisse de Toulouse à la Sean Murray, porc en purée, origan, fenouil.

Bols et assiettes sont si soigneusem­ent saucés qu’ils repartent en cuisine comme des hommages aux jeunes gens qui y travaillen­t aux côtés du chef Smith. Curtis et Angie méritent d’être nommés, tant leur applicatio­n donne de superbes résultats.

176, rue Saint-Viateur Ouest, Montréal 514 278-6854

Ouvert en soirée du mardi au samedi. Deux choix: Un Menu dégustatio­n pour 65 $ et un Menu dégustatio­n végétarien pour 50 $. Avec une bouteille d’un excellent Morgon 2013 de chez Georges Descombes, nous nous en sommes tirés pour 71,25 $ par personne, avant taxes et pourboire.

Dans son style concis et précis, l’expert mondial, Jean Aubry, dit de la carte des vins: « Dans les p’tits pots les meilleurs onguents, disait ma grand-mère. Elle aurait apprécié cette carte certes courte, mais fine et ciblée.» Malgré la regrettabl­e concision des menus, les assiettes ici sont si impeccable­ment conçues et préparées que cette table vaut le déplacemen­t.

Les deux singes de Montarvie,

 ??  ??
 ?? PEDRO RUIZ LE DEVOIR ?? Le resto Les deux singes de Montarvie propose exclusivem­ent deux menus: «Dégustatio­n» et «Dégustatio­n végétarien».
PEDRO RUIZ LE DEVOIR Le resto Les deux singes de Montarvie propose exclusivem­ent deux menus: «Dégustatio­n» et «Dégustatio­n végétarien».

Newspapers in French

Newspapers from Canada