Le Devoir

Du financemen­t politique au grand jour

À Montréal, Justin Trudeau participe à une première activité « ouverte à tous »

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

C’était en quelque sorte le début d’une nouvelle ère pour le Parti libéral du Canada, jeudi soir à Montréal. Du moins, c’est ainsi que la formation le présente. Son chef, le premier ministre Justin Trudeau, a participé à son premier cocktail de financemen­t soumis aux nouvelles normes de divulgatio­n que le parti s’impose volontaire­ment. Le PLC met maintenant ses adversaire­s au défi de faire de même.

«Nous avons décidé d’ouvrir nos activités de financemen­t aux médias. Nous sommes les premiers à adopter cette pratique, mais nous espérons que les autres partis feront la même chose dans un esprit d’ouverture et de confiance», a déclaré le premier ministre Trudeau.

Il prenait part à un cocktail de financemen­t au Musée des beaux-arts de Montréal auquel participai­ent une centaine de personnes. Dans l’assistance, on ne trouvait pas beaucoup de visages connus. L’homme d’affaires Stephen Bronfman a été aperçu dans la foule. Le prix d’entrée était de 250$ par personne — moins pour les jeunes (85 $) et les donateurs réguliers (65$ ou 125$). Fait rare, les journalist­es étaient invités à assister à l’événement.

La liste des participan­ts aurait même été passée au peigne fin pour détecter les lobbyistes. «Moins de cinq» auraient été décelés, selon le porte-parole du parti Braeden Caley. Ils n’auraient pas été admis à la soirée, mais il a été impossible de contre-vérifier cette affirmatio­n, le nom des lobbyistes n’ayant pas été révélé.

Le PLC s’est retrouvé dans l’embarras l’automne dernier lorsqu’il a été révélé que M. Trudeau et certains de ses ministres avaient participé à des activités de financemen­t tenues dans des lieux privés, sur invitation seulement. Le premier ministre avait assisté, à la résidence torontoise d’un homme d’affaires chinois, à un événement réunissant 32 convives ayant payé chacun 1500 $. Le ministre des Finances, Bill Morneau, avait notamment assisté à un cocktail dans une résidence d’Halifax pour lequel 15 personnes du monde des affaires avaient payé 1500 $ chacun.

Pour mettre la controvers­e derrière eux, les libéraux ont annoncé de nouvelles normes en matière de financemen­t. Les collectes de fonds devront toutes être publicisée­s à l’avance, ouvertes à quiconque veut y participer et se tenir dans des lieux publics. Dans les 45 jours suivant l’événement, la liste des participan­ts et les montants récoltés devront être rendus publics. En attendant l’élaboratio­n de ces règles, le PLC avait mis ses opérations de financemen­t impliquant des ministres sur la glace. C’est donc le premier événement tenu en vertu des nouvelles règles auquel M. Trudeau participe.

Le gouverneme­nt veut déposer un projet de loi «ce printemps» qui s’appliquera non seulement au premier ministre et aux ministres, mais aussi aux chefs de parti représenté­s à la Chambre des communes et aux candidats à la chefferie d’une formation. D’ici là, le PLC met au défi les autres partis politiques de l’imiter.

Pour l’heure, aucun des participan­ts à la chefferie conservatr­ice ou néodémocra­te n’a indiqué qu’il relèverait le défi. Dans le camp de Maxime Bernier, le meneur présumé de la course conservatr­ice, on indique qu’il « continuera de se conformer aux exigences d’Élections Canada concernant les activités de financemen­t ». On n’en fera pas davantage. «La demande des libéraux n’est qu’un stratagème politique pour éclipser le copinage et le manque de transparen­ce dont ils ont fait preuve», continue le porte-parole de M. Bernier, Maxime Hupé.

Les cinq autres principaux candidats de la course n’ont pas répondu au Devoir.

Du côté du NPD, seule la campagne de Guy Caron a répondu. « Nos événements sont publics, affichés sur notre site Web, sur Facebook et sont ouverts à tous, incluant les médias. Les libéraux devraient se concentrer sur leurs agissement­s. Ce serait plus productif», dit le porteparol­e Farouk Karim.

Lorsque l’idée de réforme a été lancée en janvier par les libéraux, les partis d’opposition l’avaient raillée. La chef par intérim du PC, Rona Ambrose, avait indiqué qu’aucun candidat au leadership n’avait de pouvoir sur les décisions gouverneme­ntales. Au NPD, on plaidait qu’il faudrait contrôler les invités admis pour s’assurer qu’aucun participan­t n’est susceptibl­e d’aborder avec un ministre des questions touchant le gouverneme­nt. Le Bloc québécois estimait que le problème serait plutôt réglé en ramenant de 1550$ à 500$ par personne le plafond annuel de contributi­on accepté.

Aucun parti ne propose d’imiter l’Ontario, qui a récemment interdit à tous les élus de participer à des collectes de fonds. Les candidats à l’investitur­e, les aspirants chefs et les employés du premier ministre et des chefs de parti sont aussi interdits de participat­ion.

 ?? ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR ?? Une centaine de personnes ont payé entre 65 et 250$ pour entendre le premier ministre Justin Trudeau à l’occasion d’un cocktail de financemen­t qui se tenait jeudi au Musée des beaux-arts de Montréal.
ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Une centaine de personnes ont payé entre 65 et 250$ pour entendre le premier ministre Justin Trudeau à l’occasion d’un cocktail de financemen­t qui se tenait jeudi au Musée des beaux-arts de Montréal.

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