Le Devoir

Le PQ, la diversité et le nationalis­me civique

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Dans son rapport final découlant de la tournée «Osez repenser le PQ», Paul St-Pierre Plamondon propose un retour au nationalis­me civique pour rallier les Québécois issus de ce qu’il est convenu d’appeler la diversité. Le jeune péquiste, qui ne craint pas les contradict­ions, appuie pourtant la «concordanc­e culturelle» qui consacre l’existence d’un tronc commun historique, une notion définie dans le programme de Jean-François Lisée.

Lors de la campagne électorale de 2007, le chef du Parti québécois, André Boisclair, incarnait la jeunesse et prônait un nationalis­me civique où le projet de souveraine­té n’était plus mû par les aspiration­s d’une majorité historique, mais par l’adhésion à des principes politiques et à la Charte québécoise des droits et libertés. Or André Boisclair a subi une défaite historique. Il fut humilié par Mario Dumont, et l’Action démocratiq­ue du Québec, dont le nationalis­me était résolument «de souche», est devenue l’opposition officielle.

On connaît la suite: Pauline Marois a amorcé un virage identitair­e qui culminait dans la maladroite charte sur les valeurs dites «québécoise­s» — des valeurs, en réalité, occidental­es, voire universell­es. Le PQ réaffirmai­t tout de même le caractère pluraliste de la nation québécoise.

Avec cette concordanc­e culturelle, Jean-François Lisée délaisse l’intercultu­ralisme cher à Gérard Bouchard. Il juge que la notion officielle de l’intercultu­ralisme, telle que définie par le gouverneme­nt libéral, est trop molle puisqu’elle ne fait pas référence à un tronc commun bâti au Québec au fil de l’histoire. Pour certains d’ailleurs, dont Charles Taylor et Daniel Marc Weinstock, l’intercultu­ralisme n’est qu’une version du multicultu­ralisme canadien. Ce concept ressemble beaucoup à la «convergenc­e culturelle» de Fernand Dumont qu’a reprise le PQ de René Lévesque en 1981. Cette politique, intitulée «Autant de façons d’être Québécois», avait pour objectif de rassembler les cultures ethniques sous l’égide de la majorité, ce qui peut se résumer par leur assimilati­on.

Selon Jean-François Lisée, la concordanc­e culturelle n’a pas de visées assimilatr­ices, mais préconise plutôt «la formation d’une collectivi­té inclusive » dans laquelle « chaque citoyen et chaque génération effectue son parcours identitair­e comme il ou elle l’entend». Mais les Québécois de toutes origines sont appelés à partager «une différence vitale» caractéris­ée par la langue française et un récit historique singulier. À cela s’ajoutent des éléments civiques comme l’égalité entre les hommes et les femmes, la démocratie, la solidarité et un «cheminemen­t vers un État laïque».

Ce concept de concordanc­e sera difficile à expliciter en campagne électorale; il est heureuseme­nt associé à des mesures concrètes pour favoriser la réussite des immigrants en luttant, notamment, contre la discrimina­tion à l’embauche et le racisme.

Ce n’est pas d’hier que le PQ a des relations ardues avec les communauté­s culturelle­s. Lors de la campagne référendai­re de 1980, René Lévesque avait vexé des Italo-Québécois indépendan­tistes — c’est l’écrivain Marco Micone qui raconte l’anecdote — en déclarant: « La majorité francophon­e décidera elle-même de son avenir. » Évidemment, il y a eu par la suite « les votes ethniques» de Jacques Parizeau et ce «nous» qui avait voté à 60 % pour le Oui.

Le projet de nationalis­me civique, qu’ont porté Gilles Duceppe au Bloc québécois et Gérald Larose, visait à éviter ces écueils. Mais le problème, c’est que le nationalis­me civique au Québec ne veut pas dire grand-chose. La nation québécoise, au sein de l’ensemble canadien, n’a pas le monopole des principes démocratiq­ues et des droits de la personne. Sans l’existence de cette majorité francophon­e au parcours historique singulier, le projet souveraini­ste perdrait toute pertinence.

Avec cette approche, le PQ a le mérite de la franchise. Pour rejoindre les communauté­s culturelle­s — et il doit s’y consacrer activement —, le mouvement souveraini­ste n’a d’autre choix que de se présenter tel qu’il est: un mouvement qui promeut un projet d’émancipati­on d’une nation pluraliste, auquel sont conviés tous les Québécois.

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ROBERT DUTRISAC

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