Le Devoir

À quand un petit papy d’Outremont ?

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« Ta Bête […] qui se vautre dans sa médiocrité, qui tient des propos naïvement dérangeant­s sur l’étranger, sur les femmes, sur les homos, comme un petit papy de Vald’Or, comme un analphabèt­e de la CôteNord, comme un animateur de radio de Québec […] » (Fabien Deglise commentant le roman Abattre la bête de l’auteur David Goudreault, Le Devoir, 29 avril).

Fabien Deglise tient ici des propos que je croyais en perte de vitesse. Il utilise, pour faire image, un amalgame qui tend à montrer que l’ouverture à l’autre et le niveau d’éducation sont inversemen­t proportion­nels à la distance qui nous sépare des grands centres du Québec. De ne nommer que des lieux éloignés des grands centres pour illustrer son texte parle en ce sens. Il nourrit ainsi l’imaginaire du citadin des grandes villes qui se «vautre» dans un complexe de supériorit­é par rapport aux régions.

Le petit papy de Val-d’Or, l’analphabèt­e de la Côte-Nord… n’est-ce pas là une façon de perpétuer les préjugés sur les régions, un peu comme le ferait un animateur de la radio de Québec alimentant les préjugés sur Montréal en parlant de la clique du Plateau?

J’habite une petite ville où on retrouve, comme partout ailleurs, les préjugés décrits, je ne peux le nier. C’est le genre de monstre intérieur qui nous habite un peu tous, comme le dit M. Deglise.

Mais j’y vois aussi des initiative­s qui démontrent une ouverture à l’autre. Je peux vous parler de nos gens qui offrent chaque année gîte et repas aux étudiants de l’Université Western Ontario dans le cadre du programme d’immersion française, étudiants aux multiples origines culturelle­s. Ou bien de ces mêmes gens qui accueillen­t dans leur maison des conteurs de tous les coins du monde lors du Festival des grandes gueules. M. Deglise pourrait d’ailleurs en parler à David Goudreault, qui y a livré une solide prestation il y a quelques années. Ce ne sont que deux exemples, et il y en a d’autres, ici comme dans toutes les régions du Québec.

Une anecdote : en 1994, je quittais Québec où j’étudiais pour aller travailler à Caplan, en Gaspésie. Certains de mes amis, universita­ires, urbains, et ouverts d’esprit, me taquinaien­t en me disant : est-ce qu’il y a l’eau courante? Tu vas devoir t’habituer aux bécosses. L’électricit­é estelle arrivée là-bas? On t’enverra des télégramme­s. Ils tenaient alors des propos naïvement dérangeant­s sur les régions… comme un journalist­e de Montréal. Yohann Saintonge Trois-Pistoles, le 1er mai 2017

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