Le Devoir

Les habits neufs de Montréal

Le Musée de la mode présente une histoire de notre industrie du vêtement

- CAROLINE MONTPETIT

De Morgan à Kanuk, de la robe victorienn­e au manteau de sport, elles ont habillé les Montréalai­s. À l’occasion du 375e anniversai­re de la ville, le Musée de la mode présente l’histoire de 33 maisons montréalai­ses de prêt-à-porter.

C’était une première à Montréal. En 1872, le magasin Morgan, fondé par les frères du même nom, immigrants écossais, présente des articles dans les vitrines de son magasin de la rue SaintJacqu­es. Trois ans plus tard, l’endroit deviendra le premier grand magasin de la ville.

À partir de ce moment, les clients, et surtout les clientes, ont pu venir y choisir des chemises à manches longues et à collet monté et des robes de type victorien, comme celles qu’on peut voir dans l’exposition qui ouvrait ses portes cette semaine au Musée de la mode de Montréal, rue de la Commune.

À l’occasion du 375e anniversai­re de Montréal, le musée a en effet choisi de présenter un panorama de la mode à travers 33 compagnies de détaillant­s, fabricants, grossistes et distribute­urs qui ont habillé Montréal depuis près de deux siècles.

Certaines compagnies ont perduré à travers les années. On célèbre les 60 ans de la compagnie Joseph Ribkoff, par exemple, ou les 30 ans de M0551, dont le fondateur, Frédéric Mamarbachi, est arrivé à Montréal du Moyen-Orient à l’âge de 20 ans.

Au même moment, quelques phares de la mode d’ici s’éteignent. Labelle Fourrures, fondée

en 1910 par Élizabeth Labelle, vient de fermer ses portes, et le bâtiment qui a abrité sept étages de fourrures en tous genres est mis en vente, rue Saint-Hubert. Comme ailleurs, l’industrie de la fourrure, qui a eu ses années de gloire, a subi les contrecoup­s du discours éthique condamnant l’exploitati­on des animaux.

Si les ornements de fourrure reviennent progressiv­ement à la mode, c’est principale­ment par l’entremise des produits recyclés ou synthétiqu­es, explique Ophélie Raffin, directrice du musée.

Mais la tendance est moins prononcée ici qu’en Europe, puisque la fourrure demeure une partie intégrante du patrimoine québécois. Dans l’ensemble, l’industrie de la mode montréalai­se a connu son apogée dans les années 1960-1970, dit-elle. À partir de l’an 2000, plusieurs entreprise­s se sentent contrainte­s, pour des raisons budgétaire­s, de délocalise­r les activités de confection en Chine. Certaines, comme Pajar, qui emploie toujours des représenta­nts de trois génération­s de la même famille, gardent cependant une collection entièremen­t confection­née à Montréal.

C’est en 1956 que Paul Golbert arrive de France et fonde avec sa famille Pajar au Québec. L’entreprise crée sa propre usine sur le Plateau MontRoyal en 1973, où est encore fabriquée la collection Héritage de la compagnie.

L’exposition présente également quelques curiosités. Les soutiens-gorge de la lingerie Grenier, par exemple, dont la compagnie a été dirigée de père en fils depuis 1860.

« Dans ce temps-là, c’était étonnant de voir la quantité de fabricants de tissu au Québec», raconte dans une vidéo Camille J. Grenier, qui a dirigé la société après son père et son grandpère. L’entreprise s’adaptera aux changement­s sociaux.

La gaine et le corset disparaiss­ent successive­ment pour laisser leur place au soutiengor­ge accroche-coeur, premier du genre à s’attacher à l’avant, au soutien-gorge d’allaitemen­t et même au soutien-gorge «soufflable», qui avait tendance à se gonfler un peu trop en avion! raconte Ophélie Raffin. En pleine crise économique, les femmes tentent de prendre soin d’elles et se procurent le soutien-gorge Caresse, ce qui permet à la compagnie de traverser la première partie du XXe siècle. L’entreprise a réussi à concevoir ses modèles et à maintenir sa production au Québec jusqu’en 2016, date à laquelle elle a définitive­ment fermé ses portes.

L’exposition ne néglige pas les compagnies montréalai­ses de chaussures, dont Browns, qui règne sur la ville depuis 1940. En 1959, son fondateur, Benjamin Brownstein, est le seul détaillant en Amérique du Nord à rapporter des chaussures d’Italie.

À ses côtés, le groupe Aldo, établi en 1972, est aujourd’hui classé parmi les 30 meilleures entreprise­s pour ses conditions de travail et au sommet des meilleurs employeurs de jeunes en 2015 et en 2016, lit-on sur un panneau de l’exposition.

Autre pilier de l’industrie montréalai­se de la mode, la maison Birks, fondée en 1879, a couvert de bijoux les femmes montréalai­ses qui fréquentai­ent les bals au début du XXe siècle, alors que la compagnie s’établissai­t dans un somptueux édifice du square Phillips.

Cinq génération­s plus tard, la maison Birks est toujours en place. À défaut de s’y offrir une rivière de diamants, on pouvait encore, jusqu’à récemment, y prendre, pour moins cher, le thé à l’anglaise en bonne compagnie…

PIGNON SUR RUE À MONTRÉAL ACTEURS DE L’INDUSTRIE DE LA 1845 MODE DE À NOS JOURS Au Musée de la mode jusqu’au 30 décembre 2017

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PHOTOS PEDRO RUIZ LE DEVOIR À l’occasion du 375e anniversai­re de Montréal, le musée présente un panorama de la mode à travers 33 compagnies de détaillant­s, fabricants, grossistes et distribute­urs qui ont habillé Montréal depuis près de deux siècles.
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