Emily Dickinson: l’histoire d’une passion, en attendant la postérité
Cynthia Nixon incarne la célèbre poète dans Emily Dickinson : l’histoire d’une passion
EMILY DICKINSON: L’HISTOIRE D’UNE PASSION (V.F. A QUIET PASSION) DE ★★★ 1/2 Drame biographique de Terence Davies. Avec Cynthia Nixon, Jennifer Ehle, Keith Carradine, Duncan Duff, Jodhi May. ÉtatsUnis, 2016, 126 minutes.
Elle vint au monde en 1830 à Amherst, dans le Massachusetts, où elle vécut en réclusion jusqu’à sa mort, en 1886. Au cours de cette existence somme toute courte, elle écrivit, surtout de nuit, près de deux mille poèmes dont une poignée seulement fut publiée. Considérée, ou déconsidérée, de son vivant comme une vieille fille excentrique, elle fut reconnue après sa mort comme une poète incontournable. Son nom ? Emily Dickinson.
C’est le Britannique Terence Davies qui a écrit et réalisé Emily Dickinson: l’histoire d’une passion (V.F. de A Quiet Passion), drame biographique revenant sur la vie de la poète américaine.
Passé maître dans l’art d’un cinéma de l’intime, du feutré, Davies sait déceler les plus grands tourments derrière le moindre soupir, le moindre frémissement. Habituellement campés dans un passé aux accents élégiaques, poétiques, les récits qui l’attirent sont souvent peuplés de personnages, tel ce garçon imaginatif dans The Long Day Closes ou cette femme suicidaire dans The Deep Blue Sea, vivant davantage en eux-mêmes que parmi leurs semblables.
Ce fut certainement le cas d’Emily Dickinson.
Davies montre à cet égard, au moyen d’une mise en scène sobrement évocatrice, et plus austère que de coutume afin de mieux épouser son sujet, comment l’univers physique de la poète s’est rétréci au fur et à mesure qu’elle s’est consacrée à son art. Du séminaire aux jardins de la propriété familiale, elle s’en est tenue à l’intérieur de la maison pour finalement ne plus quitter sa chambre.
Une figure fascinante s’il en fut, Emily Dickinson.
Nixon formidable
Croyante mais pleine de doutes qu’elle exprimait volontiers, au grand dam de son père et de l’Église, elle revendiqua très tôt son indépendance d’esprit à une époque où l’on tenait les femmes engoncées dans des corsets et des carcans, au propre comme au figuré.
Rendue célèbre par la série Sex and the City où elle incarnait Miranda, mais d’abord et avant tout une professionnelle des planches depuis l’âge de 13 ans, Cynthia Nixon est formidable de fougue contenue dans le rôle-titre, son regard brillant d’une intelligence et d’une sensibilité en avance sur leur temps.
Nixon incarne une femme qui assumait en outre son ambition (le mot est lâché), son désir d’être reconnue de son vivant, quitte à subir l’opprobre des siens. On n’est toutefois pas en présence de l’hagiographie d’une sainte : Emily Dickinson avait le sens de la formule et, vexée, elle savait décocher des flèches empoisonnées.
En toile de fond, Terence Davies compose un portrait de famille complexe, une spécialité à lui.
OEuvre à patienter
Finement observé, rigoureux, son plus récent long métrage n’en accuse pas moins des redites, en plus de chercher son rythme, entre lenteur et langueur.
Pour les cinéphiles patients, il y a cela étant ample matière à réflexion, à émotion. Très dialogué, le film rappelle, paradoxalement, que les mots tus ont parfois plus d’importance que ceux qu’on prononce.
Ces mots-là, Emily Dickinson les écrivit, et ils lui survécurent.
V.O. : Forum. V.F.: Quartier latin.