Le Devoir

Le maudit Français, une belle table dans le Vieux-Terrebonne

- JEAN-PHILIPPE TASTET

LE MAUDIT FRANÇAIS ★★★1/2 $$$1/2

Mes amis banlieusar­ds ont de l’humour. Ils m’avaient parlé d’une bonne table à Terrebonne. Elle l’était. Rien de stratosphé­rique sur la carte, mais du bon ou même du très bon dans les assiettes. Du soigné, à l’ancienne, comme dans un jardin avec des rangs de carottes et de petits pois tirés au cordeau.

Par contre, ils ne m’avaient pas précisé le nom de l’établissem­ent en question. Surprise à l’arrivée, l’enseigne dit «Le maudit Français». J’aurais sans doute hésité, les ayant fuis en courant il y a belle lurette.

Ces amis banlieusar­ds sont de fines fourchette­s, les deux gars sont un peu portés sur la bouteille, mais ce sont toujours des bouteilles de qualité et ce restaurant est un «Apportez votre vin». L’aîné ayant apporté deux très beaux crus, le cadet remballa ses deux jolis bourgognes avec lesquels j’aurais bien aimé passer un moment.

Le maudit Français en question, chef propriétai­re de la maison, avait décidé de ne pas être aux fourneaux le soir de notre visite. On n’a plus les immigrés qu’on avait, durs à la tâche, impossible­s à arrêter. Pour qui fait métier de critiquer, l’absence du chef le soir d’une visite offre de juteuses perspectiv­es ; soit c’est une catastroph­e et l’occasion d’un papier vitrioliqu­e, soit la brigade tient les casseroles bien en main et c’est un plaisant exercice. Cette visite à Terrebonne s’inscrit davantage dans la seconde possibilit­é.

Plusieurs salles

Le menu est au tableau un peu partout sur les murs du restaurant qui compte plusieurs salles. Tout, ou à peu près tout est également sur le site Internet de la maison. Un menu classique, très français, presque familial, avec des accents venus de l’enfance du chef. Une petite vingtaine de choix, sept entrées, six plats principaux et quatre desserts.

Parmi les entrées, ces éclats de moelle posés sur trois petites tartines grillées étaient parfaits. Servis dans une assiette en longueur, les croûtons reposaient sur un lit de sauce marchand-de-vin avec une pointe d’échalotes françaises très appropriée.

Et un très intéressan­t tartare de saumon chapeauté d’une fine tranche de racine de lotus et accompagné de kaniwa, un petit cousin sud-américain du quinoa, au goût de noisette et légèrement citronné.

Les garçons étaient moins enthousias­tes, l’un trouvant que ses arancinis étaient beaucoup trop alourdis et l’autre, que ses crevettes colorées avaient perdu toute saveur. Pour le descriptif de ce plat, le menu disait entre autres: «calamars marinées» (sic). Je vous passerai les commentair­es lumineux des deux frangins sur le sexe des calamars.

En milieu de repas, pour mettre un peu d’ambiance et rappeler ses origines, le chef propose quatre versions de trou normand, rhums ou vodka mêlés de fraise, d’abricot, d’ananas ou de fruit de la passion en sorbets.

Les plats principaux

La réussite est plus uniforme en ce qui concerne les plats principaux. Un très beau filet de dorade royale, accompagné de quelques crevettes et déposé sur un pressé de panais caramélisé­s; un beau cube de boudin noir, tendre au coeur et croustilla­nt sur ses côtés, ou encore un pavé de thon mi-cuit posé sur une sauce au foie gras particuliè­rement réussie.

Sans doute mes ris de veau auraient-ils gagné à ne pas être écrasés aussi virilement. Ils avaient ainsi perdu cette tendreté sous le croustilla­nt qui les caractéris­e, ce moelleux si particulie­r qui fait le bonheur des amateurs. La sauce aux cèpes, toute réussie qu’elle ait été, ne rattrapait pas l’erreur.

Chacun des plats principaux est accompagné d’une petite assiette d’un assortimen­t de légumes (pâtisson, chou frisé, petite tomate, carotte, chou de Bruxelles et cie) et d’une délicieuse verrine de courge butternut, crème Chantilly avec une pointe d’huile de truffe.

À défaut d’originalit­é, tous ces légumes démontrent une générosité louable et une dextérité certaine dans l’utilisatio­n parcimonie­use de l’huile de truffe, que les cuisiniers moins talentueux ont la fâcheuse habitude d’utiliser à la louche.

Parmi les desserts, Comme une tarte au citron se distingue avantageus­ement, peutêtre pas tant visuelleme­nt que gustativem­ent. Sur un long biscuit de pâte sablée, une crème citron parfaite, riche juste ce qu’il faut, pas trop sucrée, savoureuse.

Sous trois gros bleuets et encadrée de points de coulis de framboises, la chose a un peu tendance à ressembler à une grosse chenille jaune, mais la première bouchée avalée, on se laisse entraîner. LE MAUDIT FRANÇAIS 285, boulevard des Braves Terrebonne

450 824-9991

Ouvert en soirée du mercredi au dimanche. Entrées de 7$ pour une petite verte à 18$ pour le foie gras de canard micuit et chutney du moment; trou normand à 5$; plats principaux de 29$ à 50$ et desserts à 8$. Carafes d’eau, taxes et pourboire compris, cette petite escapade gastronomi­que dans la MRC Les Moulins aura coûté 156,60$ pour deux personnes, ce qui, même en dollars terrebonni­ens, représente une somme assez rondelette.

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 ?? LE MAUDIT FRANÇAIS ?? Le maudit Français offre un menu classique, très français, presque familial, avec des accents venus de l’enfance du chef.
LE MAUDIT FRANÇAIS Le maudit Français offre un menu classique, très français, presque familial, avec des accents venus de l’enfance du chef.

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