Le bonheur de l’altérité musicale
VOYAGE SUD-AMÉRICAIN Jimmy López : Perú Negro. Piazzolla : Las cuatro estaciones porteñas (arr. Desyatnikov). Revueltas: La noche de los Mayas. Alexandre da Costa (violon), Orchestre symphonique de Montréal, Miguel Harth-Bedoya. Maison symphonique de Montréal, jeudi 4 mai (10 h 30).
Le trombone basse solo de l’OSM, le joyeux Pierre Beaudry, souffle comme un bouc en rut dans une sorte de coquillage géant sous l’oeil goguenard de ses amis trompettistes pendant qu’à l’autre bout de la scène une rangée de percussionnistes jouent à qui sonnera le plus fort. Bienvenue dans Noche de Encantamiento, le dernier tableau de La nuit des Mayas du compositeur mexicain Silvestre Revueltas !
Quel bonheur! Et le plaisir pour beaucoup, j’espère, d’entendre autre chose, de découvrir une autre musique, aride et brute. Ce répertoire, présenté deux fois, jeudi, à 10h30 et à 19 h, en formule d’une heure sans pause, nous a été apporté par Miguel HarthBedoya, chef péruvien âgé de 48 ans qui dirige depuis 17 ans l’Orchestre de Forth Worth au Texas. De ce que j’ai vu jeudi matin, Miguel Harth-Bedoya est un excellent chef, très efficace, qui, sans geste inutile, trouve à donner l’indication juste au bon moment. Il a surtout le mérite, notamment dans cette musique, de ne rien faire sombrer dans la vulgarité.
Le concert débute par une énorme surprise: Perú Negro, oeuvre orchestrale d’un quart d’heure composée il y a cinq ans par un compositeur péruvien né en 1978. Jimmy Lopez, adepte d’une musique clairement intelligible et picturale, s’inscrit dans la ligne du Vénézuélien Antonio Estevez (19161988) et du Mexicain Silvestre Revueltas (1899-1940). D’ailleurs, un passage niché au centre de Perú Negro évoque clairement une partition de Revueltas: Sensemaya. Lopez fournit une intéressante proposition autre que Marquez ou d’autres compositeurs dans des programmes sud-américains.
Alexandre Da Costa a joué les Quatre saisons de Piazzola avec engagement, générosité et une belle corde de sol, notamment pour donner corps à l’irrésistible mélodie d’Invierno porteño. Lors du concert du matin, je ne sais ce que le violoniste a voulu faire au début de L’automne, mais cela n’a pas marché. L’OSM s’est bien engagé dans l’accompagnement, mais Le printemps, un peu mou, aurait eu plus de carrure avec I Musici ou les Violons du Roy.
Le sommet du programme et du concert a été l’interprétation tenue et colorée de La nuit des Mayas, musique si fascinante, si hors de nos attentes et de nos codes qu’on peut espérer un autre voyage du même type, tant le répertoire est vaste, parfois insoupçonné.
Ah, oui! Le coquillage de Pierre Beaudry n’est pas son dernier souvenir de voyage: c’est bien un instrument requis par la partition. Il se nomme «conque» (shelltrumpet en anglais) et, dans la nature, c’est un vrai mollusque. Tout le contraire de l’instrumentiste qui en joue!