Vishwa Mohan Bhatt en quête d’authenticité
Le virtuose de la mohan veena revient à Montréal avec Anoushka Shankar et Subhen Chatterjee
Plus d’une vingtaine d’années après avoir remporté un Grammy avec Ry Cooder pour le disque A Meeting by the River, Vishwa Mohan Bhatt a reçu cette année l’une des plus importantes reconnaissances accordées par le gouvernement indien: un trophée de la prestigieuse Padma Bushan. Avec Anoushka Shankar, le maître indien est le plus connu des disciples du regretté Ravi Shakar sur la scène internationale, et ce samedi, il s’amène à la salle Bourgie avec l’explosif joueur de tabla Subhen Chatterjee, son complice depuis plus de trois décennies. Un rendezvous incontournable pour les amateurs de musique hindoustani, l’art classique de l’Inde du Nord.
Vishwa Mohan Bhatt a inventé un instrument: la mohan veena, qui a conféré en partie sa personnalité à la musique de ce bon Harry Manx, qui a appris du maestro. «Harry a étudié très fort pendant cinq ans. Il était complètement dévoué et ne faisait rien d’autre que l’apprentissage de la musique classique. Je suis très heureux qu’il soit devenu connu. Il nous représente bien », affirme Viswa Mohan Bhatt, qui a commencé par le sitar et la guitare avant de créer son instrument.
Pourquoi a-t-il opté pour cette démarche? Pourquoi chercher à prendre quelques distances par rapport au sitar que lui avait enseigné Ravi Shankar ? «Je voulais trouver des sons nouveaux. Je me demandais si je pouvais trouver quelque chose qui mélangerait les instruments indiens comme le sitar, le sarod, le santour, la veena et le sarangi.»
Il y est parvenu en indianisant la guitare hawaïenne et en amalgamant les techniques de jeu de toute cette lutherie, en ajoutant des cordes sympathiques pour la résonance et d’autres pour le bourdon. Tout cela s’entend dans son jeu. On croit même parfois percevoir les timbres de la guitare hawaïenne et de la mandoline sur une musique délicatement électrisante, à la fois introspective, aérée et emportée. On ressent l’élan céleste, la délicatesse et la sérénité, portés par l’un des plus grands joueurs de guitare slide au monde.
Il parle de son style: «Je joue le tantrakari ang, qui me permet d’intégrer tous les éléments instrumentaux, et le gayaki ang, qui est basé sur les nuances vocales que je peux reproduire. Ça se rapproche du chant. » Et c’est très expressif.
Très personnel aussi, puisque l’inspiration de Vishwa Mohan Bhatt ne se limite pas aux deux gharanas (écoles) qui l’ont formé, explique-t-il. «En tant que disciple de Ravi Shankar, je descends de la gharana de Maihar, mais mon père et ma mère, qui étaient artistes, viennent de l’école de Jaipur au Rajasthan. Entre ces écoles, des différences existent dans les nuances, les notes et les permutations, mais le raga, la structure et l’émotion demeurent les mêmes. Seule l’improvisation se fait en fonction de la tradition de ton école. J’essaie de représenter mes deux gharanas, mais je crée quelque chose qui m’est propre. »
Quel est pour lui le plus important dans son art? « L’authenticité, répond-il. Tu dois t’investir profondément dans cette musique, apprendre la tradition, voir comment cela fonctionne depuis des millénaires, trouver la pureté des ragas, mener des recherches pour parvenir à l’authenticité, sans employer de raccourcis. Ici, le succès rapide n’est pas possible. »
Également en entrevue au Devoir, son collègue Subhen Chatterjee renchérit : « Notre musique remonte à 5000 ans. On ne peut pas devenir bon seulement en répétant. On doit être spirituellement en phase, très cool, calme et méditatif.» Plus jeune que Vishwa Mohan Bhatt, Subhen Chatterjee est reconnu comme l’un des meilleurs joueurs de tabla de sa génération en Inde. Il peut aisément créer à partir de quatre éléments essentiels: le solo, l’accompagnement pour la musique instrumentale, celui pour le chant et celui pour la danse.