Le Devoir

L’ombre de Trump et du Brexit plane toujours sur l’économie mondiale

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Les bouleverse­ments occasionné­s depuis un an par le vote sur le Brexit, puis par l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis, ont plongé l’économie mondiale dans l’incertitud­e, mais les tenants de la mondialisa­tion réunis lundi pour le lancement de la 23e Conférence de Montréal n’ont pas l’intention de se laisser abattre.

Chaque année, la conférence réunissant des leaders des quatre coins de la planète a notamment pour but de rapprocher les Amériques des autres continents et d’aborder les grands enjeux qui touchent la mondialisa­tion. Elle se devait donc d’aborder d’emblée les deux événements qui ont marqué les douze derniers mois.

Lors de la séance d’ouverture, le président-directeur général de l’Autorité des marchés financiers, Louis Morisset, a donné le ton aux échanges en expliquant que le Brexit et l’élection de Trump ont soulevé des questions et suscité de nombreuses inquiétude­s. Mais selon lui, le «scénario du pire» ne s’est pas matérialis­é.

Il craint malgré tout que les régulateur­s des États-Unis mettent fin à leur collaborat­ion avec ceux du reste de la planète, en se retirant par exemple des négociatio­ns concernant la régulation bancaire au niveau mondial.

Mauvaises prédiction­s

Optimiste, l’ancien ministre français des Finances et actuel président-directeur général de l’entreprise de services numériques Atos, Thierry Breton, a fait remarquer que ceux qui croyaient que l’attrait du repli sur soi observé au RoyaumeUni et aux États-Unis influencer­ait les décisions politiques subséquent­es se sont trompés.

Les Verts ont par exemple remporté l’élection en Autriche et les Français ont tourné le dos au Front national de Marine Le Pen en élisant Emmanuel Macron, a-t-il souligné.

M. Breton soutient que l’Union européenne est d’ailleurs sortie renforcée des événements de la dernière année, qu’elle est «plus vivante que jamais », mais il souhaite malgré tout que les géants américain et britanniqu­e retrouvent leur rôle dans le jeu de la mondialisa­tion. «Nous n’aimons pas l’incertitud­e. Nous voulons que les États-Unis et le Royaume-Uni soient de retour», a-t-il affirmé.

Source de motivation

Pour les conférenci­ers qui ont pris la parole lundi, y compris le premier ministre Philippe Couillard, la montée du protection­nisme constitue une source d’inquiétude, mais aussi de motivation. «Pour assurer le développem­ent et la prospérité des peuples, nous devons faire la promotion des marchés ouverts. Malgré les vents contraires, et même en raison de ceux-ci»,a lancé M. Couillard lors d’un discours prononcé devant les quelque 3500 participan­ts.

«La seule certitude qu’on a maintenant, c’est l’incertitud­e. Ça va faire partie de la réalité pour longtemps, pas seulement cette année, a-t-il plus tard ajouté en point de presse. Il faut faire quoi ? Il faut avoir des économies versatiles [sic], il faut voir plus loin que le moment présent. »

Cela passe selon lui par l’adaptation aux changement­s technologi­ques, sans laisser de côté ceux qui ne peuvent pas en bénéficier directemen­t.

Le Canada comme médiateur ?

Croisé dans les corridors de la Conférence de Montréal, l’ancien premier ministre du Canada Joe Clark a pour sa part soutenu que le Canada pourrait jouer un rôle de premier plan pour rapprocher l’Europe et les États-Unis, dont les relations sont beaucoup plus tendues depuis l’arrivée de Trump.

«Est-ce qu’il y a un pays qui a obtenu le respect de part et d’autre de l’Atlantique? a-t-il soulevé. Notre pays a sans aucun doute ces caractéris­tiques. »

Chose certaine, le Québec est prêt à apporter sa contributi­on, a répondu M. Couillard. «On est bien placés pour ça, parce que le Québec, dans ses relations internatio­nales, a une relation privilégié­e avec la France. Et avec l’élection de M. Macron et de son gouverneme­nt, je pense que le pivot français dans l’Union européenne va devenir encore plus fort.»

Pour le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, il ne faut surtout pas se laisser abattre par l’incertitud­e ambiante et la croissance économique anémique. «La croissance peut être durable, à condition qu’on la provoque », a-t-il déclaré lundi.

À son avis, l’«éléphant dans la pièce», c’est la question de la formation des travailleu­rs, lesquels devront désormais acquérir des compétence­s tout au long de leur vie pour s’adapter aux transforma­tions du marché du travail.

La secrétaire générale du Commonweal­th, Patricia Scotland, croit elle aussi qu’il faut insister sur l’éducation des jeunes et des moins jeunes, parce que le temps presse. « Nous nous dirigeons vers un monde qui est radicaleme­nt différent de ce qu’on a connu dans le passé, et nous le faisons rapidement. »

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Selon le premier ministre Philippe Couillard, la montée du protection­nisme constitue une source d’inquiétude, mais aussi de motivation.

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