Le Devoir

France Les deux tours des élections législativ­es en sept temps

Leçons et projection­s des élections législativ­es françaises

- STÉPHANE BAILLARGEO­N

Les jeux du premier tour des législativ­es françaises sont faits depuis dimanche. La République en marche du nouveau président Macron domine sans appel avec le tiers des voix (32,32%) dans une lutte l’opposant à plus de vingt partis. Mais que faut-il attendre de la suite des choses et quelles sont les conséquenc­es déjà rationnell­ement prévisible­s de ce scrutin hors norme?

Mode de scrutin. L’Assemblée nationale compte 577 circonscri­ptions. Le mandat des députés dure cinq ans. Les élections législativ­es se déroulent selon un mode de scrutin majoritair­e à deux tours. Le premier a eu lieu le 11, le second suivra le dimanche 18 juin. Un candidat est élu dès le premier tour s’il récolte plus de 50% des voix représenta­nt au moins 25% des votes des inscrits sur les listes électorale­s. C’est le cas de quatre et seulement quatre candidats cette fois, trois députés sortants et un nouveau venu. Ils étaient 36 à passer en 2012 et 110 dès le premier tour en 2007. Les candidats qui ont reçu au moins 12,5% des voix passent maintenant en ballottage, au second tour. Une triangulai­re se produit quand ils sont trois. Il n’y en a qu’une cette fois, dans l’Aude, par rapport à 32 en 2012. Désintérêt. L’abstention record, touchant plus d’un électeur sur deux, explique cette situation exceptionn­elle de lutte quasi exclusive à deux pour le second tour. La participat­ion au premier ne cesse de décroître en France. Elle était de 69% aux législativ­es de 1988. Le faible taux actuel, à moins de 49%, explique aussi en partie la débandade de certaines formations dimanche. Pour minimiser un peu les effets de la déferlante, elles devront réussir à fouetter leurs troupes dimanche prochain.

Explosions. Les projection­s donnent entre 400 et 455 des 577 sièges de l’Assemblée nationale à La République en marche et à son allié électoral, le MoDem. Le scrutin a dynamité la vieille classe politique, mais a aussi mis en évidence l’immensité du chantier de renouvelle­ment

de la vie publique française, marquée par une fatigue et un cynisme profonds. La droite et la gauche traditionn­elles, incapables de se refondre, se retrouvent laminées. Au bout du compte, les socialiste­s récolteron­t peut-être une trentaine de députés — ils en avaient dix fois plus à la dissolutio­n de l’Assemblée — et la droite autour des Républicai­ns au plus 110 élus.

Extrêmes. La France insoumise (LFI), de la gauche radicale, et le Front national (FN), de la droite extrême, ne maintienne­nt pas leurs gros scores de la présidenti­elle du mois dernier. Les deux formations des extrêmes seront même vraisembla­blement sous-représenté­es en députés par rapport à leur score. LFI et le Parti communiste récolterai­ent moins de 20 sièges, le FN moins de 5. Avec un score sous 14% au premier tour, le Front national réalise une performanc­e inférieure à celle des législativ­es de 2012, pour une saignée totale d’un demimillio­n de voix. La formation de la droite nationalis­te misait sur les triangulai­res pour se faufiler. Ses candidats passent

à la seconde manche — et très souvent en position d’extrême faiblesse — dans 118 circonscri­ptions seulement. Des ténors remettent déjà en doute la position de leur parti sur la sortie de l’euro, monnaie que les électeurs veulent visiblemen­t conserver. Plusieurs continuent de réclamer un changement de nom qui aiderait à «dédiabolis­er» le FN. Un congrès tranchera sur ces enjeux début 2018.

Féminisati­on. L’hémicycle va à coup sûr se féminiser, puisque 246 femmes sont arrivées en tête au premier tour, dont près de 80% de candidates macroniste­s. La République en marche a présenté plus de femmes que d’hommes (266 contre 260) et dans des circonscri­ptions prenables. On mesure la mutation en branle en se rappelant qu’il y avait environ 70 candidates au total de toutes les formations il y a vingt ans, en 1997. Vedettes. Plusieurs grosses têtes ont roulé dimanche. Le socialiste Benoît Hamon, candidat malheureux à la présidenti­elle, ne passe pas plus à la seconde partie des législativ­es avec son petit score de 6%. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, aussi est rejeté, tout comme le secrétaire général du FN Nicolas Bay. Des ministres

tombent, dont l’ancien responsabl­e de l’intérieur Matthias Fekl et l’ex-titulaire de la Culture Aurélie Filippetti. Rappelons que, comme aux ÉtatsUnis, l’exécutif n’est pas nécessaire­ment élu en France. Le président forme son cabinet avec qui bon lui semble. Emmanuel Macron, lui-même ministre sous son prédécesse­ur François Hollande, n’avait jamais été élu avant de devenir président.

Millions. L’effondreme­nt aux urnes coûte des fortunes aux formations concernées. L’État verse aux partis environ 2$ par vote obtenu et l’équivalent annuel de quelque 53 000$ par député. Le Parti socialiste, grand perdant du premier tour, avait empoché environ 31 millions aux dernières législativ­es. Il pourrait se contenter de dix fois moins après le deuxième tour. Il faudra en plus ajouter la perte sèche et récurrente des dons que ne feront plus les adhérents et les sympathisa­nts quittant le véhicule politique en perdition. Cette pauvreté soudaine pourrait forcer la mise à pied de permanents, comprimer à l’extrême les campagnes de propagande et finalement accentuer encore plus l’impression de naufrage.

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CHRISTOPHE PETIT TESSON AGENCE FRANCE-PRESSE La République en marche du nouveau président Macron domine sans appel les législativ­es.

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