Le Devoir

L’été sera propice aux moustiques

Leur proliférat­ion augmentera-t-elle le risque de contracter le virus du Nil occidental ?

- PAULINE GRAVEL

Le printemps particuliè­rement pluvieux qu’a connu le Québec a favorisé l’éclosion d’un plus grand nombre de moustiques. Les amateurs de plein air et les travailleu­rs d’extérieur en font déjà les frais. Mais que nous réservent les prochains mois? Subirons-nous leur agaçante agression pendant tout l’été? Mais surtout, serons-nous plus susceptibl­es de contracter le virus du Nil occidental ou la maladie de Lyme? État des lieux.

Les abondantes précipitat­ions qu’a connues le Québec cet hiver et ce printemps ont offert aux moustiques et autres insectes piqueurs des conditions de proliférat­ion qui pourraient s’avérer idéales. Non seulement ont-elles créé de nouvelles et nombreuses mares d’eau stagnante, mais elles ont comblé les mares permanente­s.

Au Québec, les insectes piqueurs appartienn­ent à deux grands groupes d’espèces: les univoltine­s, dont le cycle de vie comporte une seule génération par année, et les multivolti­nes, qui en produisent en moyenne trois par année, de la mi-mai à la fin septembre. Les adultes univoltine­s émergent au printemps des mares d’eau contenant des oeufs. Une fois qu’elles ont copulé, les femelles pondent ensuite leurs oeufs dans une mare d’eau stagnante, puis elles meurent environ un mois plus tard. Ces oeufs entrent en diapause (en arrêt de développem­ent) jusqu’au printemps suivant.

Or, ce printemps, la multiplici­té des petits bassins d’eau stagnante a permis à un plus grand nombre d’oeufs d’univoltine­s et de multivolti­nes pondus l’an dernier de se réactiver et de poursuivre leur cycle de développem­ent jusqu’au stade adulte, explique le professeur émérite de l’Université du Québec à Trois-Rivières Jacques Boisvert, microbiolo­giste et spécialist­e des insectes.

Si des températur­es chaudes s’ajoutent à des pluies abondantes, le cycle de développem­ent des multivolti­nes s’accélère et ne nécessite plus que sept à huit jours au lieu d’une dizaine. Les espèces multivolti­nes peuvent ainsi réaliser de cinq à six cycles durant l’été. «Les adultes pondent des oeufs dans des mares d’eau stagnante temporaire­s qui s’assèchent rapidement, mais si des pluies remettent de l’eau dans ces mares, ces oeufs se réveillent et poursuiven­t leur développem­ent jusqu’à l’état d’adulte », précise M. Boisvert. C’est ainsi qu’au printemps, une première génération de multivolti­nes s’est développée rapidement dans les régions où il a fait chaud, ce qui a permis d’enclencher un second cycle plus tôt que prévu, lequel a abouti à une deuxième génération d’insectes, d’où leur densité particuliè­rement élevée en ce moment.

A contrario, si l’été est sec, les prochains cycles de multivolti­nes ne se répéteront probableme­nt pas aussi vite, car les oeufs ne trouveront pas l’eau nécessaire à leur réactivati­on. Il n’est donc pas certain que nous soyons infestés de moustiques durant toute la saison estivale.

Virus du Nil occidental et maladie de Lyme

Cette proliférat­ion de moustiques augmente-t-elle les risques de contracter le virus du Nil occidental ou la maladie de Lyme? « Tout dépendra de l’été que nous aurons», affirme Jacques Boisvert, avant de rappeler que « des études effectuées aux États-Unis semblent indiquer qu’un printemps pluvieux suivi d’un été sec génère beaucoup plus de cas de virus du Nil qu’un printemps pluvieux suivi d’un été pluvieux, et ce, même si dans ce dernier cas, il y aura beaucoup plus de moustiques».

«La transmissi­on du virus du Nil occidental est complexe et multifacto­rielle. On sait entre autres qu’elle est modulée par la températur­e. Actuelleme­nt, même s’il y a plus de moustiques qu’habituelle­ment au printemps, il n’y a pas nécessaire­ment un risque accru de transmissi­on du virus vu les faibles températur­es », ajoute la porte-parole de l’INSPQ, Nathalie Labonté, avant de préciser que « les inondation­s du printemps ne favorisero­nt pas la multiplica­tion des tiques, car la tique n’a pas besoin de mares d’eau stagnante pour l’un des stades de son développem­ent, comparativ­ement au moustique». L’humidité devrait néanmoins favoriser leur survie, car «les tiques sont sujettes à la dessiccati­on ».

Environ 24 heures après l’éclosion, la femelle s’accouple avec un mâle puis cherche à piquer un mammifère pour en tirer du sang, car ses oeufs ont besoin de certaines protéines présentes dans le sang des mammifères, dont les humains, pour se développer. Près de 48 heures après ce repas de sang, elle dépose ses oeufs dans une mare d’eau stagnante.

Les moustiques détectent leurs proies au gaz carbonique qu’elles rejettent en respirant, à l’acide lactique contenu dans leur sueur et à la chaleur qu’elles dégagent, d’où l’importance de porter des vêtements blancs ou de couleur pâle, et non noirs, bleu marine ou rouge foncé en raison de la chaleur que ces dernières couleurs absorbent. «Des études ont également montré que les gesticulat­ions que l’on fait pour les éloigner, voire les tuer, les attirent au lieu de les repousser!» ajoute M. Boisvert.

Pourquoi piquent-elles? Comment les femelles repèrent-elles leur proie? Comment peut-on se protéger de leurs piqûres?

La meilleure façon de se protéger est d’éviter de se faire piquer en portant des vêtements de couleur pâle qui couvrent les bras et les jambes et des chaussures fermées, rappelle M. Boisvert. Les répulsifs contenant du DEET ou de l’icaridine (aussi connu sous le nom de picaridine) peuvent aussi prévenir les piqûres. On recommande toutefois de ne pas les appliquer aux nourrisson­s de moins de six mois.

 ?? ISTOCK ?? Les moustiques détectent leurs proies au gaz carbonique qu’elles rejettent en respirant, à l’acide lactique contenu dans leur sueur et à la chaleur qu’elles dégagent.
ISTOCK Les moustiques détectent leurs proies au gaz carbonique qu’elles rejettent en respirant, à l’acide lactique contenu dans leur sueur et à la chaleur qu’elles dégagent.

Newspapers in French

Newspapers from Canada