Le soleil où vous le voulez, quand vous le voulez
Sollum reproduit la lumière de notre étoile pour révolutionner le monde de l’éclairage
Le Québec regorge d’entrepreneurs passionnés qui tentent de mettre à profit une idée ou un concept novateur. Chaque semaine, Le Devoir vous emmène à la rencontre de gens visionnaires dont les ambitions pourraient transformer votre quotidien. Aujourd’hui, un trio qui a réussi à percer le secret de dame Nature.
François Moisan étudie le génie électrique à l’École de technologie supérieure lorsqu’il se retrouve aux prises avec un problème inusité. Il doit analyser les caractéristiques d’un panneau solaire dans le cadre d’un projet scolaire, mais pris par le temps, il se voit obligé de travailler de soir, sans soleil. Sa solution ? En créer un.
Avec son budget d’étudiant, il achète des lampes DEL et tente de recréer le spectre lumineux
de notre étoile. «J’y suis arrivé, raconte-t-il. À l’époque, je ne pensais pas que j’avais quelque chose d’extraordinaire entre les mains.» Mais il s’est trompé.
Trois ans plus tard, son innovation est devenue le coeur de l’entreprise Sollum, qui ambitionne de révolutionner le monde de l’éclairage, au bénéfice de tous les êtres vivants.
Choisir une direction
Après avoir créé sa source lumineuse, François et son collègue Gabriel Dupras se mettent à raffiner la technologie, pour savoir où cette lampe pourrait les mener.
Ils fondent officiellement Sollum en 2015, en souhaitant d’abord cibler le marché des musées. Ils font alors valoir que leur système permet d’éclairer des oeuvres d’art de manière optimale, sans la chaleur et les rayons dommageables du soleil. «Mais quand on a vu la demande et le potentiel pour le secteur agricole, on a changé d’approche», se souvient François.
À l’été 2016, ils approchent donc Louis Brun, un entrepreneur en série qui en est à sa quatrième entreprise technologique, pour donner une nouvelle direction à leur compagnie.
«C’était bien de voir que la technologie fonctionnait, mais il fallait se donner une stratégie et savoir quel marché on voulait prioriser, note l’actuel président-directeur général de l’entreprise. On a choisi l’agriculture, parce que c’est là que l’innovation de Sollum prend tout son sens. »
Des fraises en janvier
La technologie brevetée de Sollum permet de reproduire à 99% la lumière du soleil. La lampe unique en son genre peut recréer sur demande l’ensemble du spectre d’un éclairage naturel, du lever au coucher du soleil.
Utilisée dans une serre, cette lampe consomme moins d’énergie que les lampes à vapeur de sodium fréquemment utilisées et permet surtout d’accroître la productivité des récoltes de 35 %, soutient l’entreprise. « Les plantes poussent plus vite, elles sont plus grosses et plus fortes», explique M. Brun.
«Aujourd’hui, l’industrie a une approche scientifique. Des spécialistes vont par exemple dire que le rouge et le bleu favorisent la photosynthèse, donc c’est ce qu’ils vont mettre dans la lumière, dit-il. Nous, on profite des milliers d’années de recherche et développement de dame Nature.» À la différence des lampes
qui ne produisent qu’un seul type de lumière, le système de Sollum est programmable selon les besoins du client. Le cycle solaire peut même être optimisé pour chaque type de plante, selon sa provenance, qu’il s’agisse d’un concombre libanais ou d’une tomate sicilienne.
«Nous sommes capables de proposer à un agronome d’avoir le soleil de l’île d’Orléans au mois de juillet, pour faire pousser des fraises au mois de janvier», illustre le patron de la compagnie.
Sollum est en contact avec différents partenaires, avec qui elle peaufinera sa technologie au cours des prochains mois, en route vers une commercialisation à la fin de 2018 ou au début de 2019.
Chose certaine, les occasions d’affaires ne manquent pas, observe Louis Brun, qui évoque un marché potentiel de 10 milliards de dollars au Canada et aux États-Unis. «Chaque année, il y a l’équivalent de 1000 terrains de football de serres qui sont construites et qui ont besoin d’une lumière naturelle pour atteindre leur plein potentiel de productivité et de qualité.»
L’entrepreneur ne veut surtout pas sauter d’étape, mais il admet que l’agriculture de serre n’est qu’un premier pas. La technologie pourra par la suite servir les animaux d’élevage, et bien sûr les humains.
Il imagine des édifices de bureaux et des hôpitaux dont l’éclairage serait ajusté selon le moment de la journée, des travailleurs de nuit et des passagers d’avion qui pourraient trouver le sommeil grâce à la lumière ambiante, ou même des salles de détente dans lesquelles on reproduirait le coucher de soleil des îles Fidji ou des côtes de la Gaspésie.
«Je pense que dans le futur, on va regarder en arrière et on va se demander pourquoi on ne se souciait pas davantage de la lumière.»