Le Devoir

Stingray veut doubler sa taille à Montréal

- JULIEN ARSENAULT

Le fournisseu­r québécois de services musicaux Groupe Stingray Digital veut plus que doubler sa taille à Montréal d’ici cinq ans, mais il craint que cette croissance soit ralentie par l’aide gouverneme­ntale accordée aux entreprise­s du secteur multimédia.

Son président et chef de la direction, Eric Boyko, a souligné vendredi les effets pervers des crédits d’impôt provinciau­x, pouvant couvrir 37,5% des dépenses salariales, qui sont accordés depuis 20 ans. Ces mesures ont permis à des multinatio­nales étrangères comme Ubisoft et Warner Bros. de s’établir au Québec.

Alors que la main-d’oeuvre qualifiée se fait rare, M. Boyko a déploré que ces compagnies étrangères puissent profiter de ces mesures pour recruter des ingénieurs informatiq­ues et d’autres travailleu­rs spécialisé­s dans les technologi­es de l’informatio­n, qui sont aussi convoités par Stingray. Or cette dernière n’a pas accès à ce crédit d’impôt. «Il y a 20 ans, c’était une bonne mesure, a dit M. Boyko. Mais aujourd’hui, je ne suis pas d’accord. Si on veut innover, il faut avoir des ingénieurs et il n’en sort pas assez [des université­s].»

Stingray souhaite embaucher 400 personnes au cours des cinq prochaines années, en plus d’ajouter 30 000 pieds carrés à son siège social du Vieux-Montréal, qui comptera ainsi plus de 700 travailleu­rs. Cette annonce a été effectuée en compagnie du maire de Montréal, Denis Coderre, et la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly.

Toutefois, le manque de disponibil­ité de main-d’oeuvre qualifiée pourrait venir contrecarr­er les plans de l’entreprise propriétai­re de chaînes spécialisé­es comme Stingray Musique, i-Concerts et Karaoke Channel. Pour la première fois en 10 ans d’existence, Stingray fait face à la possibilit­é de devoir reporter l’échéance du lancement d’une applicatio­n prévu en décembre parce qu’elle n’est pas en mesure de pourvoir 70 postes.

«Il faut se poser la question: si nous aidons des compagnies avec des crédits d’impôt, il faut le faire pour des entreprise­s qui ont leur siège social au Québec, et pas seulement pour des Ubisoft et Warner Bros., qui sont déjà millionnai­res.» La pénurie de main-d’oeuvre est telle que, même si Ubisoft quittait le Québec avec ses quelque 3000 postes, les employés touchés se trouveraie­nt du travail ailleurs au sein de compagnies québécoise­s en moins de six mois, estime M. Boyko.

Interrogé sur les propos du patron de Stingray, Martin Carrier, qui a dirigé jusqu’au 1er mars le studio Jeux WB Montréal, a estimé qu’il s’agissait d’un dossier «pertinent et délicat». Les crédits d’impôt «ont quand même créé un environnem­ent particulie­r dans lequel des entreprise­s étrangères sont venues s’établir ici pour créer des emplois tout en ajoutant une forte concurrenc­e au marché du travail», a-t-il expliqué.

Selon M. Carrier, les mesures fiscales gouverneme­ntales ne sont pas l’enjeu. À son avis, il faudrait réfléchir à des moyens pouvant être mis en avant afin de s’assurer que les entreprise­s locales ne soient pas désavantag­ées. Si on devait réduire ou même abolir ces crédits d’impôt, il y aurait certaineme­nt une incidence négative sur le nombre d’emplois dans le secteur multimédia, a-t-il estimé.

Acquisitio­ns et revenus

En pleine croissance à l’internatio­nal, Stingray, qui a vu ses revenus franchir la barre des 100 millions pour la première fois au cours de l’exercice terminé le 31 mars, souhaite générer des recettes oscillant entre 200 et 250 millions d’ici cinq ans. «Nous allons continuer [d’allonger] entre 25 et 50 millions par année pour acheter des compagnies», a expliqué M. Boyko, qui a écarté, pour le moment, une diversific­ation de son entreprise.

Inscrite à la Bourse de Toronto depuis deux ans, Stingray génère environ la moitié de son chiffre d’affaires à l’extérieur du pays. Elle souhaite que cette proportion atteigne 75 % d’ici 2022. L’entreprise dit rejoindre environ 400 millions d’abonnés de télévision payante dans 156 pays.

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