Le Devoir

Demain matin, Montréal m’attend : gravir les échelons

- CHRISTIAN SAINT-PIERRE Collaborat­eur

DEMAIN MATIN, MONTRÉAL M’ATTEND Texte : Michel Tremblay. Musique : François Dompierre. Mise en scène et adaptation: René Richard Cyr. Arrangemen­ts musicaux, direction musicale et vocale : Chris Barillaro. Une production de Spectra Musique. Au Théâtre du Nouveau Monde, à l’occasion des FrancoFoli­es de Montréal, jusqu’au 25 juin, puis du 19 septembre au 14 octobre. En tournée à travers le Québec du 22 mars au 12 mai 2018.

Le metteur en scène René Richard Cyr poursuit ces jours-ci son aventure musicale dans l’oeuvre de Michel Tremblay en s’attaquant à Demain matin, Montréal m’attend, une comédie musicale ayant vu le jour à Terre des hommes en 1970, reprise à la Place des Arts en 1972, sous la houlette d’André Brassard, puis recréée au théâtre Saint-Denis en 1995 par Denise Filiatraul­t.

N’y allons pas par quatre chemins: on retrouve ici la magie de Belles-soeurs, cet équilibre délicat entre le comique et le tragique qui n’était pas toujours au rendez-vous dans Le chant de sainte Carmen de la Main. Se déployant dans une sorte de castelet clair-obscur dont les ambiances évoquent les réalisatio­ns de Brecht et Weill, les aventures de Louise Tétrault dans les bas-fonds du Montréal des années 1970 sont magnifique­ment sobres, austères tout en étant ponctuées de couleurs vives.

C’est que l’oeuvre, aussi musicale soit-elle, aborde des sujets graves, à commencer par l’aliénation des femmes et des homosexuel­s. Entre les parents et les enfants, les maîtres et les élèves, les idoles et les admirateur­s, les prostitués et les clients, les amoureux et les amants, on ne trouve pour ainsi dire que jalousie et égoïsme, trahison et narcissism­e. En somme, bien peu de bons sentiments à se mettre sous la dent. Une réalité que la mise en scène épouse, magnifie plutôt que de chercher à occulter.

On renoue ainsi avec l’essentiel, les personnage­s de Tremblay, ceux-là que l’adversité fait briller de tous leurs feux. Les protagonis­tes sont des diamants noirs, des perles dans la fange, des étoiles filantes dans la plus sombre des nuits. Tout en étant indissocia­bles de leur époque, ils s’adressent franchemen­t à la nôtre. Est-ce parce qu’ils ne cessent de persévérer, conservent leur vitalité malgré le désespoir qui les entoure et les assaille ?

Sur scène, on trouve seize talentueux comédiens-chanteurs, huit personnage­s principaux et huit membres du choeur, accompagné­s de quatre musiciens dirigés par Chris Barillaro, qui a su rafraîchir la partition de François Dompierre sans la trahir. Dans le rôle de Louise Tétrault, l’ingénue, Marie-Andrée Lemieux est impeccable sur tous les plans, une vraie révélation. Dans celui de la perfide Lola Lee, née Rita Tétrault, Hélène Bourgeois-Leclerc est dotée d’une présence forte et d’une excellente répartie, mais elle n’est pas encore tout à fait à l’aise vocalement.

Alors que Kathleen Fortin s’empare du rôle de Betty Bird avec poigne et sensibilit­é, Laurent Paquin est une Duchesse de Langeais des plus émouvantes. Dans la peau orangée de Marcel Gérard, Benoît McGinnis rend un hommage désopilant à Michel Girouard. Pas besoin d’être devin pour prédire à ce spectacle un grand succès… mérité.

 ?? YVES RENAUD ?? Avec Demain matin, Montréal m’attend, on renoue avec l’essentiel, les personnage­s de Tremblay, ceux-là que l’adversité fait briller de tous leurs feux.
YVES RENAUD Avec Demain matin, Montréal m’attend, on renoue avec l’essentiel, les personnage­s de Tremblay, ceux-là que l’adversité fait briller de tous leurs feux.

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