L’été de l’amour en trois temps
La chanson: A Whiter Shade of Pale. C’est dans la Rolls-Royce psychédélique de John Lennon que Derek Taylor, qui sera le relationniste de presse du festival pop de Monterey, entendit A Whiter Shade of Pale pour la première fois: il y avait un tourne-disque à l’arrière, grand luxe. Mémorable écoute augmentée par une double dose de LSD (c’est raconté dans son essentiel livre As Time Goes By). Comment ne pas être saisi au coeur par cette mélodie, le texte impressionniste de Keith Reid, la voix immense de Gary Brooker, l’orgue si solennel de Matthew Fisher? Cette chanson parue en mai 1967, premier succès pour le groupe britannique Procol Harum, n’atteignit que la cinquième position du palmarès Billboard: 10 millions d’exemplaires vendus plus tard, la chanson est éternellement associée à l’été de l’amour.
L’album: Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Les Beatles y avaient mis des mois, alors que la plupart des productions discographiques ne dépassaient jamais la semaine. On n’attendait rien de moins qu’un chef-d’oeuvre, et ce l’était. La sortie fut dûment événementielle, le 1er juin en Angleterre, le lendemain dans le reste du monde. Rappelons l’anecdote: une hôtesse d’Air Canada apporta un exemplaire le 1er juin, et c’est sur la pelouse entourant le pavillon de la Jeunesse d’Expo 67 que l’on écouta l’album en primeur de notre côté de la grande mare. Le disque fut célébré par les musicologues patentés autant que par les fans du groupe. « Pop music is the classical music of now», affirma Paul McCartney dans un documentaire-télé présenté par le grand compositeur Leonard Bernstein. Face A, face B, face A, face B, l’album joua en boucle tout l’été de l’amour. Et le récent remixage vient de relancer la roue pour 50 ans de plus.