La Chambre haute boude, mais plie
Le Sénat laisse le budget intact, mais réitère son droit de le modifier à l’avenir
Le gouvernement de Justin Trudeau peut partir en vacances en paix: son projet de loi C-44 a été adopté, intact, par le Sénat jeudi matin, écartant du coup la possibilité que la mise en oeuvre de son budget soit suspendue jusqu’à l’automne. Les sénateurs avertissent néanmoins que leur abdication ne doit pas être interprétée comme une acceptation de leur part qu’ils ne pourront pas à l’avenir modifier un projet de loi budgétaire.
Le Sénat avait modifié le projet de loi budgétaire de Bill Morneau pour en retirer l’indexation automatique annuelle des taxes d’accise sur l’alcool et le tabac. Mercredi, la Chambre des communes a refusé ces changements au motif «qu’ils enfreignent les droits et privilèges de la Chambre». Le Sénat n’a pas le droit d’amorcer un projet de loi ou une mesure engendrant des dépenses pour le gouvernement, et l’équipe de M. Trudeau interprète cet interdit comme signifiant que le Sénat ne peut pas modifier un budget.
Furieux, les sénateurs ont voulu faire savoir leur désaccord avec cette interprétation. Ils ont donc adopté jeudi matin un message destiné à la Chambre des communes. «Le Sénat n’insiste pas sur ses amendements au projet de loi C-44 […] auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé, mais le Sénat confirme ses privilèges, immunités et pouvoirs prévus par la Constitution pour modifier la législation, quelle que soit sa nature ou sa provenance », dit ce message. Il a été approuvé à 50 voix contre 33.
Légitimité
Il n’est pas rare que le Sénat, après avoir tenté en vain de modifier un projet de loi gouvernemental, plie devant la légitimité démocratique supérieure des élus. Cela s’était vu, par exemple, en juin 2016 avec le projet de loi sur l’aide médicale à mourir. Mais cette fois-ci, les sénateurs voulaient s’assurer de ne pas donner l’impression qu’ils partagent la vision gouvernementale de leur rôle et de ne pas créer un précédent pouvant les hanter.
La leader du gouvernement en Chambre, Bardish Chagger, assure que le Sénat ne ralentit pas son agenda législatif, même si elle reconnaît que cette nouvelle indépendance crée quelques remous. «Est-ce que ça veut dire qu’il y aura une période de transition? Oui. Est-ce mauvais pour la démocratie ? Je dirais que non. » Mme Chagger a refusé de dire sur quoi elle s’appuyait pour affirmer que le Sénat ne peut pas changer les projets de loi budgétaires.
La fin de ce pingpong parlementaire signifie que le C-44 mettant en oeuvre le budget 2017 est adopté. Si les sénateurs s’étaient entêtés, cette mise en oeuvre aurait dû attendre jusqu’à septembre, puisque les travaux de la Chambre des communes ont déjà été ajournés pour l’été. Un projet de loi doit être adopté dans une version identique par les deux Chambres pour avoir force de loi.
Furieux, les sénateurs ont voulu faire savoir leur désaccord avec cette interprétation