La tour de Pise d’Irak détruite par le groupe EI
L’emblématique minaret penché qui s’élevait depuis des siècles à Mossoul avait disparu jeudi de la ligne d’horizon, après sa destruction par les djihadistes face à l’avancée des forces irakiennes dans la vieille ville.
Des explosions ont secoué mercredi soir la mosquée al-Nouri, où Abou Bakr al-Baghdadi avait donné en juillet 2014 son premier prêche en tant que leader du groupe État islamique (EI), et son minaret penché, connu sous le nom de « Hadba » (« la bossue »).
Des responsables irakiens et de la coalition internationale menée par les États-Unis, qui soutient les forces irakiennes, ont vu dans la destruction du site un signe de la perte imminente de la vieille ville par les djihadistes.
Le premier ministre irakien, Haïder al-Abadi, a notamment estimé qu’elle équivalait à une «déclaration officielle de défaite».
La destruction de ce minaret du XIIe siècle, un des plus célèbres monuments du pays, surnommé parfois la tour de Pise d’Irak, a laissé les Irakiens en état de choc.
«Ils ont fait exploser l’endroit dans une tentative de cacher leurs grosses pertes […] mais les médias et les gens voient […] la chute de Daech », a déclaré à l’AFP à Mossoul le général de brigade Falah Fadel al-Obeidi, des forces du contre-terrorisme (CTS), en utilisant un acronyme du groupe EI en arabe.
Responsabilité rejetée
Le groupe EI a affirmé par le biais de son agence de propagande Amaq que les sites avaient été bombardés par l’aviation américaine, mais la coalition internationale a indiqué que les djihadistes avaient «détruit l’un des plus grands trésors de Mossoul et de l’Irak alors que les forces irakiennes s’en approchaient ».
Brett McGurk, l’envoyé américain auprès de la coalition internationale, a également vu « le signe le plus clair du désespoir et de la défaite» des djihadistes.
La destruction de ces deux monuments de Mossoul s’ajoute à une longue liste de joyaux du patrimoine irakien dynamités par le groupe EI depuis 2014 sur les territoires qu’il avait conquis.
La directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, a déploré ces destructions qui «creusent les blessures d’une société déjà affectée par une tragédie humanitaire sans précédent ».
Le minaret, dont la construction a été achevée en 1172, était un emblème de la ville et est imprimé sur les billets de 10 000 dinars irakiens. Les djihadistes avaient planté leur drapeau noir à son sommet, à 45 m de hauteur.
Pour Ihsan Fethi, architecte irakien et expert en patrimoine, le minaret a «symbolisé la défiance de Mossoul et de ses habitants face à tant de difficultés et d’attaques étrangères».
« Il est resté là, si haut et si fier, pendant plus de 845 ans comme un monument vigilant et une icône impressionnante pour cette grande ville culturelle jusqu’à hier », a-t-il estimé.
Le minaret était visible depuis de nombreux secteurs de la ville, notamment de la rive est, de l’autre côté du Tigre, le fleuve qui sépare la ville en deux.
Vies humaines plus importantes
L’avancée des forces de sécurité vers la mosquée al-Nouri s’inscrit dans le cadre d’un assaut lancé dimanche sur la vieille ville, considéré comme la bataille la plus difficile depuis le début de l’offensive pour reconquérir Mossoul.
Interrogé sur la destruction du minaret et de la mosquée mercredi, un habitant de la partie ouest de Mossoul a indiqué que les vies humaines étaient bien plus importantes qu’un monument historique.
« Même si c’était le symbole […] de Mossoul, il y a des gens qui ont été tués. Ils sont bien plus précieux que le minaret », a déclaré à l’AFP Yasser Ali, 38 ans.
Les États-Unis ont estimé jeudi que la destruction la veille de la mosquée al-Nouri et de son emblématique minaret représentait une attaque sur le patrimoine mondial et sur l’« édifice d’une grande religion ».