Le delta du Niger toujours submergé par la pollution, malgré les promesses
Sous le ciel lourd du sud-est du Nigeria, réserve gigantesque de pétrole, de jeunes hommes traînent sans but et sans emploi, le nez et la bouche recouverts d’un mouchoir pour ne pas respirer les vapeurs toxiques qui émanent des marécages.
Les paysages ravagés de la petite ville de Bodo, à une quarantaine de kilomètres de la capitale pétrolière de Port Harcourt, se répètent à l’infini dans toute la région de l’Ogoniland.
Il y a tout juste un an, Abuja avait annoncé en grande pompe le début d’une immense opération de nettoyage, mais, dans le Delta, les eaux noircies par le pétrole continuent à asphyxier les poissons et à détruire la mangrove.
L’or noir, qui ne fait que traverser la région par d’immenses oléoducs, n’a apporté ici que la destruction des sources de revenus des pêcheurs et petits agriculteurs. Et la colère.
«Les gens de l’Ogoniland n’ont toujours pas accès à l’eau potable, et je ne parle même pas d’électricité ou d’écoles ni de routes », s’emporte Fegalo Nsuke, du Mouvement pour la survie du peuple Ogoni.
En janvier 2015, l’espoir avait regagné les communautés: Shell avait accepté de payer 70 millions de dollars de compensation pour les 15 500 habitants de Bodo en réponse à la grande marée noire de 2008.
Le géant anglo-néerlandais, après trois ans de procès, a versé cet argent dans une procédure à l’amiable, bien que la compagnie ait toujours assuré que les sabotages artisanaux par les habitants des oléoducs étaient les premières causes de pollution.
Selon l’Agence des Nations unies pour l’Environnement (UNEP), ce nettoyage « historique » devrait prendre 25 à 30 ans.
Ce n’est qu’en juin 2016 que l’État assure prendre le problème au sérieux et que le viceprésident Yemi Osinbajo inaugure un vaste et ambitieux projet environnemental, pour un coût d’un milliard $US. Shell affirme qu’elle y prendra part.
Un an plus tard, seuls 10 millions de dollars ont été alloués au programme par le gouvernement. Un comité a été mis en place, mais les habitants d’Ogoniland n’ont pour l’instant vu aucun équipement sur place.
Dans les faits, rien n’a changé. Des pancartes pour mettre en garde contre la consommation d’eau sont toujours plantées devant chaque puits.
L’UNEP, dans son rapport accablant, note pourtant qu’à Ogale, autre ville de la région, l’eau de source et les nappes phréatiques contiennent des niveaux de contamination au benzène — une substance hautement cancérigène — 900 fois plus élevés que le taux recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
«Chaque semaine, on enterre au moins cinq personnes décédées de cancers ou de maladies respiratoires», se lamente Dandyson Nwawala, chef coutumier.
«Nous nous sentons impuissants », dit Livinus Kiebel, président des leaders communautaires pour le district de Bodo. « L’environnement est complètement dévasté».
Les paysages ravagés de la petite ville de Bodo se répètent à l’infini dans toute la région de l’Ogoniland