Le SaintLaurent souillé par un dépotoir
Même s’il sait depuis deux ans qu’un vieux dépotoir se déverse directement dans le Saint-Laurent, le gouvernement Couillard n’a toujours pas de plan pour venir à bout de cet héritage toxique, selon les informations obtenues par Le Devoir. Une situation qui suscite de vives inquiétudes, notamment parce que ce site contiendrait divers contaminants enfouis depuis des décennies.
C’est un problème environnemental dont se passerait bien la petite municipalité de RivièreSaint-Jean, située sur la Côte-Nord, à l’est de Sept-Îles. Depuis au moins deux ans, un ancien dépotoir fermé en 1974 se déverse littéralement dans le Saint-Laurent, à quelques kilomètres seulement du parc national de l’Archipelde-Mingan.
Il faut dire que cette région est particulièrement frappée par l’érosion côtière, qui gruge sévèrement les rives année après année. Un phénomène qui a fini par atteindre l’ancien site d’enfouissement, désormais situé directement sur le littoral.
Des photos prises il y a seulement quelques jours montrent d’ailleurs une plage jonchée de divers débris, dont des pièces de voitures, des barils de métal rouillés, des pneus et une grande quantité d’objets et de sacs de plastique. Selon le tableau décrit par un témoin de la scène, des débris seraient éparpillés sur quelques kilomètres de rivage, un milieu naturel fréquenté notamment par des oiseaux marins et des phoques.
L’organisme de bassins versants Duplessis, sur la Côte-Nord, dit aussi avoir constaté, photos à l’appui, que les déchets déterrés en raison de l’érosion côtière accélérée sont emportés par les eaux du Saint-Laurent. Son directeur général, le biologiste Ghassen Ibrahim, parle d’ailleurs de «laxisme» de la part du gouvernement pour décrire ce qu’il a vu.
Plan à venir
Le gouvernement du Québec est au fait de ce déversement continu de déchets depuis le mois d’août 2015, affirme la mairesse de Rivière-SaintJean, Josée Brunet. Au départ, le ministère du Développement durable, de l’Environnement et
de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) avait indiqué à la municipalité qu’elle était responsable de la gestion de cet ancien site d’enfouissement.
Le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) a par la suite pris le relais dans ce dossier, en commandant une première étude au printemps 2016, dans le but d’obtenir un premier portrait de la situation. « L’évaluation du risque est qu’il y a possibilité de présence de divers contaminants dans les sols ou l’eau souterraine », précise le porte-parole du ministère, Nicolas Bégin. Il n’a toutefois pas été possible d’obtenir l’étude en question la semaine dernière. Le ministère a plutôt invité Le Devoir à soumettre une demande en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.
Cette première étude a été achevée en juillet 2016, indique le MERN. Mais aucune autre évaluation n’a été commandée depuis. «Un appel d’offres est en préparation pour la caractérisation des phases 2 (préliminaire) et 3 (complémentaire) », répond simplement le gouvernement, sans préciser d’échéancier pour la réalisation de ces études.
Même s’il n’a pas encore de portrait précis de la situation, et donc de l’ampleur de la contamination, le MERN affirme que « les travaux de décontamination et de réhabilitation du site devraient avoir lieu en 2018 ». Le cabinet de Pierre Arcand soutient également que le ministre « entend suivre le dossier de près ». « Le ministre prend le dossier au sérieux et comprend les préoccupations de la population », ajoute son bureau.
Inquiétudes
La mairesse de RivièreSaint-Jean, Josée Brunet, espère justement que le gouvernement prend le dossier au sérieux et qu’il parviendra rapidement à une solution pour sa municipalité. «Lorsque j’ai discuté avec eux, le 25 avril, ils m’ont dit que seule la première phase de caractérisation était achevée. Mais nous, ce qu’on voudrait, c’est que le dossier accélère, parce que les trois phases devaient être terminées en 2016 », souligne-t-elle.
«Les citoyens sont inquiets, ajoute Mme Brunet. Ils n’aiment pas voir les déchets se déverser dans le Saint-Laurent. Ils ont hâte que ce soit réglé. Et leur inquiétude, c’est qu’en raison de la lenteur dans ce dossier, lorsque sera venue la phase de nettoyage, il n’y aura plus rien à nettoyer, parce que l’érosion aura “fait la job” que le ministère aurait dû faire. »
La mairesse insiste d’ailleurs sur la gravité de l’érosion côtière qui frappe RivièreSaint-Jean, un problème auquel le gouvernement devrait, selon elle, s’attaquer rapidement. Elle estime que les travaux de réhabilitation de l’ancien dépotoir seront particuliè- rement complexes, en raison du problème d’érosion.
Ces travaux, qui pourraient s’avérer coûteux, devront en effet être réalisés dans un secteur côtier qui encaisse des reculs qui peuvent atteindre pas moins de trois mètres par année, selon les travaux menés par le chercheur Pascal Bernatchez, de l’Université du Québec à Rimouski. «C’est la région côtière du Québec maritime qui recule le plus rapidement », souligne-t-il. Un phénomène dû essentiellement aux impacts du réchauffement climatique.
Selon M. Bernatchez, il apparaît donc nécessaire d’intervenir rapidement pour nettoyer l’ancien dépotoir, situé près de l’embouchure de la rivière Saint-Jean. Cette rivière à saumon se jette dans le Saint-Laurent, que le gouvernement Couillard a désigné la semaine dernière comme « lieu historique » du Québec.
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Leur inquiétude, c’est qu’en raison de la lenteur dans ce dossier, lorsque sera venue la phase de nettoyage, il n’y aura plus rien à nettoyer, parce que l’érosion aura “fait la job” que le ministère aurait dû faire La mairesse de Rivière-Saint-Jean, Josée Brunet