David s’essouffle !
On l’appréhendait, elle est tombée comme prévu, cette taxe additionnelle sur le bois d’oeuvre décrétée par le département du Commerce des États-Unis. Libre-échange ou pas, le lobby de l’industrie de la forêt fait la pluie et le beau temps à Washington. Ottawa montre les dents, mais seules la diplomatie et la négociation peuvent régler le problème à long terme.
Les exportateurs canadiens de bois d’oeuvre sont maintenant pénalisés par deux taxes qui ajoutent plus de 25% aux prix de base des producteurs de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec. Mince consolation: la hausse est inférieure de 5 à 6 points de pourcentage aux mesures imposées lors du conflit précédent. Faut-il le rappeler, c’est la cinquième fois en trente ans que les Américains utilisent ce manège pour restreindre les importations de bois canadien sur leur territoire.
En avril, des droits compensateurs de 19% en moyenne visaient à dénoncer le fait que les sociétés canadiennes profiteraient de subventions indirectes en exploitant la ressource des terres publiques. Quant à la seconde taxe de 6% annoncée cette semaine, il s’agit d’une mesure antidumping, c’est-à-dire que Washington accuse le Canada de vendre son bois en dessous des coûts de production, une pratique illégale en commerce international. Or, dans les deux cas, les faits fournissent une autre version de l’histoire: si le prix du bois canadien est inférieur, c’est à cause de la valeur de notre dollar par rapport à la devise américaine et de la plus grande productivité de l’industrie canadienne, point. Au Québec, on a même mis en place un régime de vente aux enchères de la ressource pour coller de plus près aux règles du marché.
D’ailleurs, tous les tribunaux indépendants qui se sont prononcés par le passé ont donné raison au Canada. Ce qui n’empêche pas l’industrie américaine de revenir à la charge dès la fin d’une entente pour regagner des parts de marché en profitant des délais très longs imposés par le processus d’arbitrage.
Selon le Conference Board, quelque 2200 emplois sont directement menacés, un chiffre qui pourrait grimper jusqu’à 12 000, selon les syndicats. Voilà qui justifie largement l’aide de plus d’un milliard sous forme de garanties d’emprunt et de soutien à l’innovation mise à la disposition de l’industrie par Ottawa et les provinces.
Depuis quelque temps, Ottawa a haussé le ton. Après tout, le commerce du bois d’oeuvre est régi par l’ALENA, comme le sont l’industrie de l’auto et celle des hydrocarbures. La différence tient au fait que l’industrie de la forêt n’est pas intégrée des deux côtés de la frontière. Alors, tous les moyens sont bons pour éliminer l’adversaire.
Comme par le passé, des négociations ont lieu depuis plusieurs mois pour en arriver à une entente en dehors des règles de l’ALENA. Une entente qui serait nécessairement plus coûteuse que le strict respect des règles du libre-échange, mais tout de même moins mauvaise que la situation actuelle marquée au sceau du harcèlement constant. Malheureusement, dans le climat qui règne à l’heure actuelle à Washington, les chances de succès rapide sont à peu près nulles.
Entre-temps, les citoyens canadiens et québécois appuieront des mesures de représailles qui pourraient venir d’Ottawa à l’encontre des producteurs américains soupçonnés de recevoir des subventions de leurs gouvernements. C’est le cas notamment de l’Oregon, qui offre plusieurs programmes jugés non conformes.
L’Oregon est représenté au Sénat par le démocrate Ron Wyden, un tenant de la ligne dure face au Canada. Qui dit démocrate dit moindre risque de heurter le président Trump, avec qui le gouvernement Trudeau cherche à éviter l’affrontement. Avec raison, car, dans ce conflit comme dans le cas de la renégociation de l’ALENA, David a tout intérêt à jouer de diplomatie, de ruse et de patience en évitant l’affrontement. La négociation et le temps ont toujours été les plus grands atouts du Canada dans ses relations avec son voisin aux gros sabots.
Cela dit, si les États-Unis restent encore, et de loin, le client le plus intéressant pour l’industrie canadienne de la forêt, cette dernière doit redoubler d’efforts pour diversifier sa production en haussant d’un cran le niveau de transformation du bois. À titre d’exemple, certains industriels sont passés avec succès du 2x4 aux produits laminés, qui échappent aux pressions du lobby de la forêt. Tout comme il faut accentuer les démarches pour diversifier la clientèle. Facile à dire, pas facile à réaliser. Mais avec Trump à la présidence, a-t-on le choix?