La camisole de force
Lorsque la Grande-Bretagne a officiellement rendu Hong Kong à la Chine le 1er juillet 1997, l’espoir manifestement naïf existait en Occident que la ville ait à plus ou moins long terme une influence politique positive sur l’avenir de la Chine. Ville prospère et internationale, Hong Kong allait favoriser le développement de l’État de droit sur le continent, conformément à ce rêve éveillé voulant qu’une conjonction d’expansion économique et d’ouverture sur le monde débouche par la force des choses sur plus de liberté et de démocratie.
À l’époque, le pragmatique Deng Xiaoping, admirateur de Hong Kong comme modèle de développement capitaliste, contribua à rassurer les Hongkongais avec sa politique d’«un pays, deux systèmes». Arrivé au pouvoir début 2013, même le président Xi Jinping, dont l’intransigeance et l’autoritarisme sont aujourd’hui avérés, aura momentanément fait croire à certains militants du mouvement prodémocratie que son projet était de mener la Chine vers plus de pluralisme. À 79 ans, Martin Lee, père du mouvement démocratique hongkongais, reconnaît aujourd’hui avoir commis l’erreur de faire confiance à M. Xi.
Pour autant, les Hongkongais jaloux de leur autonomie n’ont jamais baissé la garde. Le 1er juillet 2003, une manifestation monstre rassemblant un demi-million de personnes faisait dérailler un projet de loi antisubversion dont l’adoption aurait rendu les voix critiques sujettes à persécution — comme l’a été en Chine cette emblématique figure de l’opposition qu’est Liu Xiaobo, dont on vient d’apprendre qu’il se mourait en prison d’un cancer du foie. C’est après l’échec de 2003 que Pékin redoubla d’efforts pour verrouiller le système politique à son avantage, par «Bureau de liaison» et politiciens corvéables interposés.
À l’échelle des désillusions endurées par le mouvement prodémocratie, 2014 marqua un autre tournant quand Pékin proposa pour l’élection du dirigeant de Hong Kong qu’il soit élu au suffrage universel, mais sur la base de deux ou trois candidats présélectionnés. S’éleva contre cette fausse avancée le «mouvement des parapluies» emmené par une nouvelle génération de jeunes leaders. Plusieurs quartiers de la ville furent occupés pendant plus de deux mois et demi. Du jamais vu.
Il y aura évidemment d’autres batailles, comme l’entente de rétrocession garantit à Hong Kong un système politique distinct jusqu’en 2047 — du moins sur papier.
«Hong Kong a toujours eu une place dans mon coeur», a déclaré M. Xi en débarquant jeudi dans la mégapole en prévision des célébrations du 20e anniversaire qui auront lieu samedi. C’est forcément une étreinte en forme de camisole de force.