Macron promet un « projet ambitieux de transformation »
Dans un discours-fleuve prononcé sous les ors du château de Versailles, le président français, Emmanuel Macron, a présenté lundi sa vision de la France et formulé ce qu’il définit comme un «projet ambitieux de transformation» aussi bien de l’économie et de la Constitution que de l’Europe. Parmi les quelques mesures concrètes qui ont émaillé ce discours plus philosophique que programmatique, le président a notamment annoncé la fin de l’état d’urgence
dès l’automne prochain, une fois certaines mesures d’urgence intégrées dans la loi.
Pendant plus d’une heure et demie, le nouveau président s’est donc adressé aux élus du Sénat et de l’Assemblée nationale. L’exercice qualifié par plusieurs de monarchique était en réalité copié sur le discours sur l’État de l’Union que prononce chaque année le président américain. L’allocution aura surtout permis au nouveau président de définir la philosophie qui inspire les changements qu’il compte proposer dans les mois et les années qui viennent. Sur un ton souvent lyrique, Emmanuel Macron a souhaité se démarquer de ses prédécesseurs en évoquant à la fois «les années immobiles », associées à François Hollande, et «les années agitées», associées à Nicolas Sarkozy. «Le vice qui empoisonne depuis trop longtemps notre débat public» est, dit-il, « le déni de réalité, le refus de voir le réel en face. L’aveuglement face à un état d’urgence qui est autant économique et social que sécuritaire». Pour le président, les réformes qu’il propose
visent d’abord à restaurer «la souveraineté de la nation» et à lui permettre de disposer d’elle-même « malgré les contraintes et les dérèglements du monde ».
Une réforme constitutionnelle
Il revient aujourd’hui à une génération nouvelle de dirigeants de reprendre l’idée européenne à son origine Emmanuel Macron
Alors qu’il demeure vague sur les réformes économiques et la « refondation » de l’Europe qu’il appelle de ses voeux, Emmanuel Macron entend proposer d’ici un an une réduction d’un tiers du nombre des élus au Sénat et à l’Assemblée nationale. Il introduira une dose de proportionnelle dans l’élection législative et limitera la durée des mandats des élus. Le président veut aussi supprimer la Cour de justice de la République chargée de juger les actes des ministres commis dans leurs fonctions et faire plus de place au droit de pétition. Si nécessaire, il pourrait faire entériner cette réforme par référendum, dit-il.
En matière économique, le président s’est contenté de rappeler l’« aliénation » qui s’ensuivrait «si nous ne réduisons pas notre dette publique ». Rappelons que le nouveau gouvernement devra trouver d’urgence huit milliards d’euros s’il souhaite équilibrer le budget de 2017 et respecter la règle européenne du 3% de déficit.
Sur l’Europe, Emmanuel Macron appelle à «une action efficace et humaine qui nous permette d’accueillir les réfugiés politiques courant un risque réel, car ce sont là nos valeurs, sans les confondre avec des migrants économiques ». Dans la salle exiguë et surchauffée du palais, l’exercice s’est terminé par un plaidoyer en faveur de l’Union européenne qui sort, dit le président, d’une décennie cruelle. «Il revient aujourd’hui à une génération nouvelle de dirigeants de reprendre l’idée européenne à son origine. »
Un «flou lyrique»
Les réactions n’ont pas tardé. À l’extrême gauche et à l’extrême droite, on a jugé l’exercice futile. Quelques dizaines de députés de La France insoumise et de l’UDI avaient d’ailleurs boycotté le château de Versailles. Dans son style habituel, Jean-Luc Mélenchon a déploré une « interminable pluie de truismes », un « bonapartisme surjoué» et un « européisme bêlant ».
Nettement plus sobre, Marine Le Pen a évoqué un « flou lyrique ». « Nous ne sommes plus au
temps des promesses, dit-elle. Nous sommes au temps des réalisations. » Le président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, a aussi regretté «une succession de grands principes» qui ressemblait à «une mauvaise copie de dissertation d’élève de prépa littéraire ».
Pour le président du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno Retailleau, qui s’est exprimé à la tribune après Emmanuel Macron, «l’espérance qu’a fait naître cette élection […] contraste avec le silence de celles et de ceux qui n’ont pas voté et ne veulent plus participer». Selon lui, pour reconstruire « un entre-nous […], il faudra d’abord le courage, et le courage ne réside dans aucune institution». Dans le quotidien de droite Le Figaro, on estimait que, dans ce discours, le président avait évité «les sujets qui fâchent ».
Certains médias ont d’ailleurs soupçonné Emmanuel Macron de profiter de ce discours, qui devrait dorénavant se répéter chaque année, afin d’éviter la traditionnelle entrevue du 14 juillet. Celle-ci n’aura pas lieu cette année alors que l’invité d’honneur du défilé militaire sera nul autre que le président américain, Donald Trump. Cette invitation est considérée par plusieurs comme un coup de maître alors que les présidents américains ont l’habitude de se rendre d’abord en Grande-Bretagne et en Allemagne avant de visiter la France.
Tout au long de cette heure et demie, Emmanuel Macron n’a pas mentionné une seule fois la Francophonie. Tout au plus a-t-il indiqué qu’«au sein de la culture mondialisée, dont on observe la prolifération parfois inquiétante, la voix de la France et de la culture française doit occuper une place éminente ». Ce mardi, le premier ministre Édouard Philippe doit aussi prononcer un discours inaugural. On s’attend à ce qu’il mette un peu de chair autour des énoncés de principe du président.