Rachel Therrien : le goût de la Colombie
Trompettiste et compositrice de jazz, la Rimouskoise d’origine Rachel Therrien a fait paraître l’an dernier Pensamiento: Proyecto Colombia, un disque excitant qu’elle a enregistré à Bogota avec une douzaine de musiciens colombiens qui s’adonnent à une fort belle rencontre entre jazz et musiques afro-colombiennes, qu’elles soient de l’Atlantique ou du Pacifique. Un an plus tard, la jazzwoman offre pour la première fois le concert de son projet, sur la scène de L’Astral ce vendredi. Avec des musiciens d’ici et un invité colombien: le joueur de marimba de chonta La Wey Segura. Rencontre avec la conceptrice.
Au début de 2014, Rachel Therrien tournait en Colombie avec La Gypsy Kumbia Orchestra. Dans l’autobus, ils étaient une trentaine: des adultes, des enfants, des musiciens, des marionnettistes, des gens de cirque et même un cinéaste. Entre les spectacles, la trompettiste composait et composait encore. Avant son départ de Montréal, elle avait imaginé pour là-bas une rencontre entre jazz et musique afro-colombienne de l’Atlantique, mais la réalité allait bientôt la forcer à modifier ses plans.
«À la feria de Kali, ils ont présenté la journée du Pacifique et je me suis rendu compte qu’il y avait deux cultures folkloriques afro-colombiennes. La majorité de la culture afro-colombienne qui est exportée en Amérique du Nord vient de l’Atlantique, mais je suis tombée en amour avec celle du Pacifique. Pendant un an et demi, j’avais étudié à Cuba les rythmes afro-cubains et les batá. La culture afro-pacifique de Colombie est beaucoup plus similaire à cela sur le plan du feel. Tout ce que j’avais prévu pour l’album, j’ai scrapé ça et j’ai recommencé à zéro. »
Elle organise donc une équipe. Le batteur Ramon Berrocal qu’elle avait rencontré à New York lui donne des noms de musiciens plus jazz et le saxophoniste Jacobo Velez du groupe La Mambanegra lui recommande d’excellents musiciens pour la section Pacifique. Parmi eux, Ferney «La Wey» Segura, un maître du marimba de chonta qui vit actuellement à Paris et qui a participé à l’aventure de quelques groupes phares comme La Mojarra Electrica et La Revuelta, en plus de son projet Afrotumbao. S’il a abordé plusieurs genres, sa musique est à la base celle du Pacifique et, pour la première fois, il se produira dans un grand festival de jazz.
Retour à Bogota: ils sont au studio Quantica Music de Santiago Jiménez et Mauro Castillo, deux autres figures de la scène alternative. Rachel décrit l’atmosphère en souriant: « On enregistre live, les 12 en même temps, les cuivres derrière la console, toutes les percussions dans la salle principale, les marimbas dans le secrétariat, le joueur de tres assis sur le bol de toilette. On s’est arrangés pour que ça marche. »
Le disque est empreint de plusieurs rythmes: le mapale très rapide de l’Atlantique, le currulao et le abosao du Pacifique, entre autres. « On sent que les rythmes du Pacifique sont plus proches de la parade, c’est énergique», dit la trompettiste. Elle a laissé beaucoup de place aux musiciens, ce qui correspond à sa philosophie: pour elle, le jazz est une musique de conversation. « Ça s’est super bien passé. C’est le genre de projet qui est un peu plus fort que toi, comme si quelqu’un te prenait la main. Pour eux, c’est leur culture et une fois qu’on avait choisi les rythmes, je m’adaptais à eux. Du début à la fin, ça s’est emboîté parfaitement, il n’y avait pas d’imprévus. Ce fut un projet magique. »
Pour L’Astral, Rachel ne peut faire venir qu’un seul musicien colombien, mais ils seront presque la dizaine à porter le contenu de Pensamiento : Proyecto Colombia. En attendant les suites de ce projet, en plus de la sortie prévue à l’automne du quatrième disque de la trompettiste, avec son quintette.
À L’Astral le 7 juillet à 18 h.