The Ear Inn, 200 ans et tout son temps
L’espace d’un burger dans le plus vieux bar de New York
Peu de bars ou de restaurants ont la chance d’atteindre l’âge vénérable de 200 ans. Encore moins dans un New York obsédé par la nouveauté. Et pourtant, le débit de boissons de The Ear Inn traverse cette année deux décennies sans fla-fla et sans vraiment avoir changé.
Petit établissement de la rue Spring, à l’ombre d’un immense bloc de condos aux grandes fenêtres et d’un resto de tapas, le bâtiment de style fédéral qui abrite le bar tient non seulement le coup, mais il est toujours dans le coup. Il a survécu autant à la Prohibition qu’à la surenchère immobilière sans jamais arrêter de servir à boire — et pas toujours dans la légalité !
En 1817, les marins apaisaient leur soif à cette adresse dès qu’ils mettaient le pied à terre. Le bar n’était alors qu’à deux mètres de la rivière Hudson. La rivière a peut-être reculé, mais le bâtiment ressemble à ce qu’il était dans les premiers jours lorsque James Brown — pas le chanteur, mais un Afro-Américain ayant participé à la guerre d’Indépendance américaine — a mis le grappin dessus.
Aujourd’hui, de jeunes couples, de vieux chums de golf, des collègues de bureau, des voisins et un sosie de Kevin Bacon ont remplacé les matelots dans ce vestige d’un autre New York.
Joyeusement chaotique, brouillon et authentique, le vénérable Ear Inn est un genre comme il ne s’en fait presque plus. C’est «bienvenue à tous» — tant qu’on est capable de parler assez fort pour enterrer la rumeur et le classic rock.
Lors de notre passage, le bar était bondé, mais il ne faut pas se laisser berner car derrière, plusieurs tables libres attendent peut-être que la prochaine tournée de clients vienne dessiner sur sa nappe de papier avec les crayons de cire mis à leur disposition.
Lorsque j’ai appelé pour réserver, on m’a gentiment assuré que ce n’était pas nécessaire, qu’il serait facile de me trouver une place. Accueillant et rassurant, surtout quand on n’a pas envie de perdre 2 des 48 heures qu’on passe en ville à poireauter en file.
Moment présent dans le passé
Dès l’entrée, le panneau «Pas de cellulaire» est une invitation à vivre le moment présent dans un endroit où le passé est placardé des murs jusqu’au plafond. Des pubs, des affiches de spectacles et des sous-verre d’une autre décennie se glissent dans les espaces vides laissés entre les cadres mettant en scène des photos en noir et blanc de marins, de voiliers et de cartes d’époque.
Des rames sont accrochées dans la pièce du fond, près de toilettes si minuscules qu’elles rappellent justement celles d’un bateau. Signe du temps, les femmes ont maintenant la leur (l’endroit a longtemps été le repaire exclusif de la masculinité), dans laquelle est affiché un panneau leur suggérant comment créer une relation de couple durable avec un homme. À la main, une cliente l’a joyeusement « débinarisé », raturant le mot «homme» pour le remplacer par «personne». Le vieux loup de mer a encore quelques trucs à apprendre.
Deux Speakasy Dark and Stormy plus tard, mon burger est arrivé dans sa simplissime splendeur. Il est le roi et maître du menu et on comprend pourquoi à la vue de cette boulette juteuse à la cuisson personnalisée, accompagnée de frites. Une fois assumé et satisfaisant, j’aurais aimé avoir encore de l’appétit pour essayer l’un des plats de poisson ou de pâtes, ou encore le confit de canard. Mais ce sera à une prochaine occasion. Et pour une rare fois, il n’y a pas à craindre que l’endroit ferme d’ici à ce qu’on revienne. earinn.com