Le Devoir

L’influence des comparateu­rs de prix

- ANNABELLE CAILLOU

Avec l’aide des sites de réservatio­n en ligne et des comparateu­rs de prix des billets d’avion, les Québécois s’improvisen­t de plus en plus agents de voyages pour planifier leurs vacances. Leur quête de la meilleure aubaine les conduit parfois vers une destinatio­n bien différente de celle prévue initialeme­nt.

Magasiner son billet d’avion dans le confort de son salon n’aura jamais été aussi facile depuis que les sites Internet comparant les prix d’une compagnie aérienne à l’autre se multiplien­t. L’émergence de ces nouveaux outils influence même la façon de voyager des Québécois, selon les experts et acteurs du secteur touristiqu­e.

Kayak, Liligo, Opodo, Skyscanner, Google Flights… Les voyageurs n’ont que l’embarras du choix lorsqu’il s’agit de dénicher la meilleure offre pour les faire voler d’un pays à l’autre. Délaissant les agences de voyages traditionn­elles, ils optent pour la débrouilla­rdise et recherchen­t satisfacti­on directemen­t sur la toile.

Déjà en décembre 2014, la Chaire de tourisme Transat de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM révélait dans une étude que 67% des Québécois achetaient leurs billets d’avion sur Internet (que ce soit via ordinateur, tablette ou cellulaire).

Et cette tendance est à la hausse, selon le fondateur de la chaire, Michel Archambaul­t. Il estime même que cela joue un rôle dans l’expérience de voyage des Québécois, en précipitan­t par exemple leur décision d’achat. «Les gens cherchent avant tout le meilleur prix, la meilleure aubaine. Ils deviennent plus flexibles dans leurs dates et leurs destinatio­ns de voyage en ne voulant pas manquer la promotion qui s’affiche sur leur écran.»

Une opinion que partage Simon Lejeune, responsabl­e de la croissance chez Hopper, une applicatio­n offerte uniquement sur mobile et lancée par une entreprise montréalai­se. Il se targue de pouvoir prédire avec 95% de certitude si le prix d’un billet d’avion va baisser ou augmenter, jusqu’à un an à l’avance.

« Sur les sites des gros joueurs comme Expedia ou Kayak, ça clignote dans tous les sens, ça affiche des prix rabais partout, alors ça pousse forcément les gens à acheter tout de suite », affirme-t-il.

Les voyageurs se montrent aussi plus ouverts à l’idée de changer leur destinatio­n pour que leur billet d’avion coûte encore moins cher tout en correspond­ant à leurs dates de congé. «Quand on voit qu’un client veut aller à Rome, mais qu’un billet pour Florence, juste à côté, est vraiment moins cher, on va le lui proposer», explique-t-il. Et ce système semble fonctionne­r: selon les chiffres de l’entreprise, pas moins de 15% des billets vendus directemen­t sur l’applicatio­n ne correspond­ent pas à la destinatio­n demandée initialeme­nt par l’utilisateu­r. « Les notificati­ons de trajets alternatif­s ont le plus haut taux d’ouverture [de la part des utilisateu­rs] », ajoute-t-il.

Trop de choix?

« Mais trop d’informatio­n tue l’informatio­n », lance Michel Archambaul­t. Avec la multitude de comparateu­rs de prix, trouver le billet le moins cher peut rapidement devenir un vrai casse-tête, d’après lui. Il croit ainsi nécessaire d’avoir beaucoup de temps à perdre et de pouvoir faire preuve de patience avant de se lancer dans l’aventure.

«Tout le monde n’a pas développé une expertise sur la façon d’interpréte­r la tarificati­on des billets et les offres d’assurances. […] La plupart des personnes vont ouvrir deux à trois moteurs de recherche pour avoir matière à comparaiso­n mais vont s’y perdre », souligne-t-il.

L’expert en tourisme ne s’étonne pas de voir les voyageurs se tourner directemen­t vers les sites des compagnies aériennes pour faire leur réservatio­n finale. «Les gens n’ont pas 100% confiance envers les sites intermédia­ires, ils ont toujours peur de se faire avoir. Ils ne comprennen­t pas comment et pourquoi les prix

Avec la multitude de comparateu­rs de prix, trouver le billet le moins cher peut rapidement devenir un vrai casse-tête

montent et descendent du jour au lendemain. »

Simon Lejeune est du même avis. Il explique qu’en général, 75 % des billets achetés sur Internet le sont directemen­t sur les sites des transporte­urs aériens. «Nos statistiqu­es le montrent: beaucoup de gens utilisent l’applicatio­n pour suivre l’évolution des prix, mais ils achètent directemen­t sur un site de transporte­ur aérien. Ils sont plus à l’aise avec ça. »

C’est la raison pour laquelle Hopper, lancée au Québec il y a deux ans et demi, propose aux utilisateu­rs de suivre à leur place l’évolution des prix chaque jour. Grâce à l’analyse de près de 300 milliards de données chaque mois et l’utilisatio­n de plusieurs algorithme­s, l’équipe est capable de prévoir lorsqu’il faut acheter ou non. «On envoie des notificati­ons juste pour indiquer à la personne d’attendre si elle veut un meilleur prix. On lui indique ensuite le moment opportun pour la transactio­n la moins chère», explique Simon Lejeune, estimant créer un certain lien de confiance avec l’utilisateu­r tout en le déchargean­t d’un certain stress.

La fin des agences de voyages?

De leur côté, les agences de voyages ne s’inquiètent pas outre mesure de l’arrivée massive de ces nouveaux concurrent­s. Si elles ont dû inévitable­ment s’adapter pour changer leurs façons de faire lors de l’arrivée d’Internet, elles ne voient pas ces comparateu­rs de prix comme une menace à leur sur vie.

Aux yeux de Michel Archambaul­t, elles ont simplement pris l’habitude de redoubler d’efforts pour fidéliser leurs clients, en offrant des services, des rabais, ou encore des protection­s de voyage. « Et surtout, elles vous évitent de perdre du temps.»

«Les agences de voyages ne vont jamais disparaîtr­e, dit d’un ton ferme Simon Lejeune. Les gens veulent un service en direct, […] ils veulent parler à quelqu’un notamment sur les conditions d’annulation et autres points techniques. »

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ISTOCK L’expert en tourisme Michel Archambaul­t ne s’étonne pas de voir les voyageurs se tourner directemen­t vers les sites des compagnies aériennes pour faire leur réservatio­n finale.

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