Le Devoir

Apprendre à vivre avec la multiplica­tion des feux de forêt

- ISABELLE BURGUN

Tandis que l’est du Canada connaît de fréquentes pluies, le Nord-Ouest canadien brûle: l’état d’urgence a été décrété en Colombie-Britanniqu­e alors que près de 220 feux de forêt ont forcé l’évacuation de plus de 10 000 personnes.

La province enregistre par ailleurs une vague de chaleur et de sécheresse exceptionn­elle, ce qui a pour effet d’aggraver la situation. La Californie, aux États-Unis, qui connaît des records de températur­es — 50°C à Palm Springs, vendredi dernier — est aussi aux prises avec des feux de forêt. Plus de 2000 pompiers s’activent actuelleme­nt à les combattre.

Les feux de forêt alarment évidemment les autorités, mais interpelle­nt également les scientifiq­ues, qui tentent de minimiser les impacts et d’améliorer l’adaptation des population­s aux changement­s climatique­s, qui permettent à ces feux de proliférer.

Inspiratio­n aborigène

Dans un article du magazine New Scientist, David Bowman, chercheur en écologie de l’Université de la Tasmanie, propose de regarder du côté des aborigènes australien­s, qui ont traditionn­ellement domestiqué les feux de forêt, pour apprendre à mieux les contrôler.

Alors qu’aux États-Unis certaines stratégies destinées à limiter les feux de forêt peuvent provoquer elles-mêmes des incendies — par exemple, celui de North Fork, déclenché en 2012 par le Service des forêts de l’État du Colorado, qui avait entraîné la destructio­n de vingt habitation­s et la mort de trois résidants —, les feux déclenchés par les aborigènes australien­s sont de faible intensité et de petite taille, alternant des zones récemment brûlées ou non.

Amorcée afin de faire de la place à leurs habitation­s, de chasser les proies ou de régénérer des portions de prairie, la gestion des feux par les aborigènes présente deux avantages: elle réduit le risque de feux incontrôlé­s et diminue la taille des feux allumés par la foudre en limitant de façon draconienn­e les portions capables de s’enflammer lors des orages.

Ces pratiques peuvent aussi s’adapter aux saisons, à la végétation et à la surface à brûler. Elles préservent la canopée, réduisent la quantité d’herbes inflammabl­es et augmentent la biodiversi­té grâce à la présence de différents écosystème­s où prolifèren­t divers animaux et plantes. Le peuple Kunei de la terre d’Arnhem, dans les territoire­s du Nord australien, opère ainsi de petits brûlis sur les lignes de drainage afin de promouvoir l’habitat des kangourous.

Cette gestion proactive des feux constitue un héritage collectif qui pourrait être transmis et adapté en fonction des divers environnem­ents, avance le chercheur. Il est actuelleme­nt en train de modéliser ces connaissan­ces pour un projet de prévention des incendies, à Hawaï, qui profiterai­t à des gestionnai­res américains.

Alors que les changement­s climatique­s mettent de plus en plus à risque de grandes portions de territoire, le savoir ancestral pourrait être l’une des armes les plus efficaces pour combattre les feux de forêt, conclut le chercheur.

Les feux de forêt consument la végétation depuis qu’elle colonise la Terre. Ils jouent un rôle crucial, mais souvent ignoré dans la vie des écosystème­s, en permettant par exemple aux graines des séquoias géants de germer après leur passage.

Quatre causes naturelles majeures sont montrées du doigt lorsque survient un feu de forêt: les éclairs, les éruptions volcanique­s, les étincelles liées à la chute de pierre et la combustion spontanée. Les vagues de chaleur, la sécheresse et les cycles climatique­s tels qu’El Niño et les modèles météorolog­iques régionaux augmentent considérab­lement les risques de feux et influencen­t le comporteme­nt de ceux-ci.

Un climat qui change

Au Canada, 8000 feux surviennen­t annuelleme­nt et provoquent la destructio­n de plus de 2 millions d’hectares. La foudre serait à l’origine de la moitié de ces brasiers et de 85% des surfaces brûlées, sauf au Québec, où 75% des feux découlerai­ent d’une activité humaine.

Depuis le milieu des années 1980, la fonte des neiges, plus hâtive en raison du réchauffem­ent climatique, contribue à l’augmentati­on et à la sévérité de la saison des feux de forêt dans l’ouest des États-Unis. En relâchant une grande quantité de CO2 dans l’atmosphère, les feux de forêt contribuen­t aussi aux changement­s climatique­s.

Le Groupe d’experts intergouve­rnemental sur l’évolution du climat (GIEC) a livré, il y a cinq ans, une étude dont les conclusion­s démontraie­nt que les incendies majeurs devraient se multiplier dans l’ouest des ÉtatsUnis et du Canada.

 ?? JAE C. HONG ASSOCIATED PRESS ?? Des pompiers tentent de maîtriser les flammes, près du parc Yosemite, en Californie.
JAE C. HONG ASSOCIATED PRESS Des pompiers tentent de maîtriser les flammes, près du parc Yosemite, en Californie.

Newspapers in French

Newspapers from Canada