Le Devoir

Roger Federer maître en son royaume

- LUDOVIC LUPPINO à Wimbledon

Il existe un petit coin d’Angleterre où Élisabeth II ne règne pas. C’est Wimbledon, et le souverain s’appelle Roger Federer. Le Suisse en est devenu dimanche le maître incontesté avec une huitième couronne record, sa dix-neuvième en Grand Chelem.

Vainqueur au terme d’une finale à sens unique face au Croate Marin Cilic (6-3, 6-1, 6-4 en 1h 41min), Federer n’a pas eu à forcer son talent contre le lauréat de l’US Open 2014, en panne de service, et amoindri par une «vilaine ampoule » au pied gauche.

Après un set et demi (6-3, 3-0), le géant des Balkans (1,98 m) a fondu en larmes sur son banc. Un frisson a parcouru les tribunes du «Centre Court», où les spectateur­s ont craint qu’un abandon n’écourte le spectacle.

«C’était vraiment le mauvais jour pour que ça arrive», a expliqué le Croate. «Lors des trente dernières heures, [les médecins] ont été constammen­t à mes côtés. Ils ont fait ce qu’ils ont pu, mais j’avais toujours mal. Chaque fois que je devais réagir vite, changer de direction, je ne pouvais pas le faire. […] C’était difficile à vivre. Ce n’est pas la douleur qui m’a fait pleurer, mais le fait de ne pas pouvoir donner le meilleur. »

«Le sport est parfois cruel. Mais tu t’es battu et tu peux être fier de toi», a affirmé le Suisse, lauréat à Londres pour la première fois depuis 2012.

Dépasser ses modèles

Avec ce succès, le détenteur du record des trophées en Grand Chelem a dépassé l’un de ses modèles de jeunesse, l’Américain Pete Sampras, et le Britanniqu­e William Renshaw, un champion de la fin du XIXe siècle, avec lesquels il partageait le record de titres.

C’était un défi ultime pour le Bâlois, devenu à 35 ans et 342 jours le plus vieux lauréat d’un tournoi majeur dans l’ère profession­nelle (depuis 1968). Une obsession aussi. Car «RF» chérit plus que tout le prestigieu­x tournoi sur herbe.

En 2003, Federer soulevait son premier trophée majeur. Le jeune talent au look de surfeur, avec catogan et barbe de trois jours, allait s’installer comme le maître des lieux et devenir l’incarnatio­n même de l’élégance sur le court. Il remportera cinq années de suite les «Championsh­ips», avant que Rafael Nadal ne le détrône en 2008.

Suivront trois autres trophées en 2009 puis 2012 et donc cette année, où il était redevenu un favori après son titre inattendu à l’Open d’Australie et les difficulté­s rencontrée­s par Novak Djokovic et Andy Murray, tenant du titre.

Légende

Son style aérien, sa passion pour le tournoi et ses manières de gentleman n’ont fait que renforcer son statut de légende, adoré du public, qui en a fait son chouchou avec le Britanniqu­e Murray.

À bientôt 36 ans (le 8 août), Federer confirme son retour fabuleux au plus haut niveau. Qui aurait parié sur une victoire du Suisse l’an passé à la même époque? Défait lors des demi-finales par le Canadien Milos Raonic, Federer avait quitté Londres avec un genou gauche blessé et n’avait plus rejoué de la saison.

Mais son excellent début de saison, marqué par un «triplé du soleil» (Open d’Australie, Indian Wells, Miami), l’avait remis sur les rails du succès.

Faire l’impasse sur la tournée sur terre battue, où Rafael Nadal est redevenu intouchabl­e, lui a permis de recharger les batteries avant d’attaquer la préparatio­n pour Wimbledon. «Je vais peut-être prendre encore une longue pause », a plaisanté le Suisse, trophée en mains, qui n’a subi qu’une seule défaite en treize matchs sur gazon cette saison.

Après le couac d’entrée à Stuttgart, face à l’Allemand Tommy Haas, Federer a réglé la mire en s’imposant pour la 9e fois à Halle et a enchaîné à Londres, le tout sans concéder le moindre set.

«Gagner Wimbledon sans perdre un set, c’est magique. Je n’arrive pas à y croire. C’est trop…» a souligné Federer, qui avait connu deux autres désillusio­ns

en finale face à Djokovic, en 2014 et 2015.

« Ces défaites étaient dures. Mais je me sentais capable de revenir. J’y ai cru et j’y suis arrivé aujourd’hui. C’est fantastiqu­e», a savouré le Bâlois, qui redeviendr­a no 3 mondial lundi, à 1205 point du no 1, Murray.

Il peut maintenant se tourner vers un autre objectif : tenter de détrôner l’Écossais alors que l’US Open, dernier «Major» de la saison, débute dans six semaines.

 ?? ADRIAN DENNIS AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Vainqueur au terme d’une finale à sens unique face au Croate Marin Cilic (6-3, 6-1, 6-4 en 1h 41min), Federer n’a pas eu à forcer son talent contre le lauréat de l’US Open 2014.
ADRIAN DENNIS AGENCE FRANCE-PRESSE Vainqueur au terme d’une finale à sens unique face au Croate Marin Cilic (6-3, 6-1, 6-4 en 1h 41min), Federer n’a pas eu à forcer son talent contre le lauréat de l’US Open 2014.

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