Le Devoir

Environnem­ent.

Bécancour : un coûteux héritage toxique.

- ALEXANDRE SHIELDS

Le ministère de l’Environnem­ent sait depuis plus de 12 ans qu’un important site contaminé situé à Bécancour pollue les sols et les eaux souterrain­es, révèle un rapport commandé par le ministre David Heurtel. Mais le gouverneme­nt n’a pas de plan pour venir à bout de cet héritage toxique, qui devrait coûter des dizaines de millions de dollars à l’État québécois.

Le site en question a servi à l’enfouissem­ent de matières dangereuse­s de 1986 à 2003. Selon les données officielle­s, pas moins de 360 000 tonnes de résidus de production d’aluminium y ont été enfouies au fil des ans par l’ancien propriétai­re du site, Recyclage d’Aluminium Québec.

Même si le problème de contaminat­ion remonte à plusieurs années, la situation n’a été connue publiqueme­nt qu’à la suite de révélation­s dans les médias, à l’automne 2016.

Le ministre Heurtel a alors dit qu’il ignorait l’existence de ce site, avant de confier un mandat d’enquête administra­tive sur la « gestion » du dossier par la direction régionale du ministère du Développem­ent durable, de l’Environnem­ent et de la Lutte contre les changement­s climatique­s (MDDELCC).

Contaminat­ion connue

Le rapport, daté de mai 2017, a finalement été rendu public vendredi après-midi.

Ce document démontre que le problème de propagatio­n de la contaminat­ion était connu avant même la fermeture du site, en 2003. Et au début de 2005, un consultant embauché par l’entreprise confirmait au ministère de l’Environnem­ent que la contaminat­ion atteignait la nappe souterrain­e.

« Une meilleure idée des coûts réels pourra être avancée à la suite des tests et études à réaliser» Cabinet du ministre David Heurtel

Les résultats d’une étude hydrogéolo­gique commandée par Québec en 2012 indiquent même que «la contaminat­ion des eaux souterrain­es s’est propagée sur une distance d’environ 700 mètres du lieu de dépôt, et qu’une certaine stabilisat­ion semble s’installer», note le rapport.

Ce site a pourtant été inscrit au répertoire des terrains contaminés seulement en 2013, soit neuf ans après que le gouverneme­nt eut été mis au fait du « problème de contaminat­ion », précise le rapport. Entre-temps, le ministère a eu «de nombreux échanges» avec le propriétai­re, lui demandant de « faire cesser le rejet de contaminan­ts ».

Toutes les démarches se sont avérées vaines.

Néanmoins, aucune action en justice n’a été entreprise contre les responsabl­es de cette contaminat­ion, inscrite au «passif environnem­ental du gouverneme­nt» depuis maintenant 2008.

« La probabilit­é que le ministère devienne responsabl­e de la réhabilita­tion de ce terrain est considérée comme élevée, soit à plus de 70%», soulignent les auteurs du rapport.

«Étant donné l’ampleur des coûts des travaux pour faire corriger les problémati­ques environnem­entales du site, le ministère est d’avis que ni Recyclage d’Aluminium Québec ni les propriétai­res subséquent­s n’ont la capacité financière pour régler la problémati­que environnem­entale. »

Aucun plan

Il n’existe toutefois aucun plan de décontamin­ation ni aucune évaluation des coûts des travaux à venir. «Au moment de nos travaux, le ministère évaluait toujours la situation dans le but d’identifier une solution pour régler la problémati­que environnem­entale du site contaminé de Bécancour », peut-on lire dans le rapport publié vendredi.

Pour le moment, les coûts sont estimés entre 40 et 80 millions, selon les informatio­ns disponible­s. Mais pour avoir l’heure juste, il faudra attendre les résultats de l’«étude de faisabilit­é» commandée par le gouverneme­nt en octobre 2016, afin d’évaluer l’option d’extraire les matières dangereuse­s du site.

Au cabinet du ministre David Heurtel, on précise que « le site est sous contrôle, mais la solution finale à mettre en place dépendra du résultat des études réalisées. La problémati­que du site est complexe de par la nature des matériaux enfouis ainsi que du milieu dans lequel ils se trouvent ».

Quant aux coûts des travaux à venir, ils sont « très variables en fonction de l’option qui sera considérée. Une meilleure idée des coûts réels pourra être avancée à la suite des tests et études à réaliser ».

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